Robert Denoël, éditeur

 

Textes et interviews

1933

 

Février

 

Prière d'insérer de Grabinoulor par Pierre Albert-Birot, paru le 29 mars 1933 dans la collection « Loin des foules ». Le texte, non signé, représente deux pages A4 : il se trouvait dans les archives de l'auteur [1876-1967] et m'avait été communiqué en mai 1980 par Mme Arlette Albert-Birot [1930-2010], qui le croyait de son mari. Il s'avère qu'il lui avait été soumis par l'éditeur pour approbation.

 

Prière d'insérer

Certes Grabinoulor ne ressemble pas à Gargantua, Pantagruel ou Don Quichotte, mais, comme ceux-ci, il est une de ces grandes figures épiques, surhumaines, c’est-à-dire tellement humaines, figures-types d’une époque créées par l’esprit poétique.

Toutes les époques n’ont pas eu leur poète pour créer leur figure-type, et notre temps, si caractérisé pourtant, n’avait pas la sienne : la voici. Grabinoulor est la figure de cette première partie du XXe siècle, et en même temps, comme les autres, synthèse de l’Humanité.

Grabinoulor, appartenant à la famille des héros, ne marche pas par terre, rien ne l’embarrasse et il ne s’embarrasse de rien, il passe, ou veut passer, se considérant maître du temps, de l’espace, des lois, physiques et même morales. Il déroute, il déconcerte, il indigne même, mais il est si magnifique (au vrai sens du mot) qu’on le hait peut-être tout en ne pouvant s’empêcher de l’aimer à plein cœur. Il est, ce héros, tellement homme, et partant, tellement sympathique !

La forme de l’œuvre, prose sans ponctuation, coulée en torrent, est conforme au caractère du héros, comme lui, elle ne s’embarrasse de rien, elle passe, elle passe... et elle effraye [sic] un peu tout d’abord, mais on éprouve bientôt une volupté particulière à se laisser emporter par cette eau courant, et on aime alors cette prose héroïque tout aussi bien que le héros qu’elle peint. Cette œuvre n’est pas une improvisation : l’auteur y a travaillé pendant quinze ans.

Grabinoulor, épopée moderne, de Pierre Albert-Birot, va enfin paraître en mars, dans la collection « Loin des foules » des Editions Denoël et Steele. Comme le veut cette collection, c’est une œuvre à laquelle l’auteur a travaillé dans le plus parfait désintéressement - et cela pendant quinze ans !

Le livre surprendra par la forme et par le fond, mais après la surprise, on ne pourra pas s’empêcher d’aimer carrément ou de détester cordialement ce héros, homme extraordinaire : Grabinoulor.

[Robert Denoël]

 

1er avril

 

Présentation du livre de Louis Tieck : La Coupe d'or paru dans la collection « Les Conteurs romantiques allemands » de Denoël et Steele, publiée dans Les Nouvelles Littéraires. L'éditeur annonçait cinq autres titres à paraître dans cette nouvelle collection dirigée par Edmond Jaloux. Le projet fut abandonné devant l'insuccès du livre de Tieck, dont les invendus furent soldés en juin 1947.

La Coupe d'or et autres contes

Ce premier volume d'une collection destinée à faire connaître une pléiade de conteurs célèbres en Allemagne, ignorés en France, séduira tous les amateurs d'histoires extraordinaires.

Les contes de Louis Tieck, écrits sous la hantise de la fatalité, créent autour du lecteur une atmosphère de crépuscule, pleinement émouvante, angoissante même, qui confond les vivants et les ombres. Traduits par M. Albert Béguin qui a su garder la pureté d'écriture de l'auteur, ils plairont par une grâce inimitable dans l'expression du fantastique.

Denoel et Steele.

10 juin

 

Présentation du livre de Marie Bonaparte : Edgar Poe paru dans la « Bibliothèque Psychanalytique » de Denoël et Steele, publiée dans Les Nouvelles Littéraires. Cet imposant ouvrage de plus de 900 pages n'eut pas le succès escompté et fut soldé par l'éditeur en juin 1947.

Marie Bonaparte : Edgar Poe. Etude psychanalytique

Cet ouvrage magistral se divise en deux parties : l'une consacrée à la biographie de Poe et à ses poèmes, l'autre à l'analyse de ses œuvres en prose. L'auteur fait état de toute l'information - et elle est immense - dont on dispose actuellement, aussi cette biographie est-elle la plus complète et la plus richement documentée que l'on ait écrite en France du poète d'Ulalume.

Le point de vue entièrement nouveau auquel se place Marie Bonaparte donne à l'ouvrage un relief et une force extraordinaires. Certains estimeront peut-être, comme M. Robert Kemp, que ces deux volumes sont « d'une orgueilleuse, d'une méprisante indécence ! »

Mais il faut dire quelle clarté ils jettent sur la plupart des problèmes psychanalytiques : le zèle de l'auteur ne laisse rien dans l'ombre. Une partie iconographique, très soignée, ajoute encore à l'attrait d'un texte substantiel.

Denoel et Steele, Editeurs.

19 juin

 

Réponse au quotidien Le Rempart. Ce journal dirigé par Paul Lévy avait publié un écho désobligeant relatif à L'Eglise, la pièce de théâtre de Céline qui allait paraître le 18 septembre. Le journal écrit : « Nous recevons des éditeurs Denoël et Steele une réponse à notre écho » :

A propos de « L'Eglise »

Permettez-nous de signaler qu'il ne s'agit pas du tout d'un « effort avorté et sans intérêt ». Bien au contraire, cette comédie dramatique contient quelques unes des pages les plus vigoureuses de l'auteur du Voyage au bout de la nuit, notamment un acte satirique d'une verve énorme consacré à la Société des Nations, dont il n'est nullement fait mention dans le Voyage, comme vous le savez.

Le chroniqueur anonyme faisait suivre le texte des éditeurs de cette mise au point : « MM. Denoël et Steele voudront-ils relire les souvenirs sur une visite à Céline parus ici même, et notre écho. Il s'agit de la même conversation. Ce n'est pas nous qui prétendons que la pièce de Céline est " effort avorté et sans intérêt ". C'est lui-même qui nous l'a dit. Sans doute, connaissent-ils assez leur auteur pour ne pas s'étonner de cette sévère critique dans sa propre bouche. Pour notre part, nous attendons avec curiosité et sans aucune préméditation la publication de L'Eglise. »

 

17 juillet

 

L'Intransigeant,  17 juillet 1933

 

15 août

 

Interview accordée à l'un des « Treize » de L'Intransigeant à propos notamment de L'Eglise qui, selon lui, « tient à la fois de Rabelais, du Père Ubu et des farces du moyen âge :

 

Novembre

 

Le 26 novembre L'Intransigeant publie une lettre de Robert Denoël relative au roman de Charles Braibant : Le Roi dort, paru le 26 octobre :