Robert Denoël, éditeur

L'assassinat

La nouvelle de l'assassinat de Robert Denoël fit sensation : jamais on n'avait tué un éditeur. Certains d'entre eux, comme Bernard Grasset, Fernand Sorlot, Jacques Bernard, Gilbert Baudinière, René Debresse, Jean d'Agraives, Jean Renard, Jean de La Hire, ou Louis Thomas, accusés de collaboration, avaient été emprisonnés durant quelques semaines mais aucun n'avait eu à subir de violences corporelles.

Les lecteurs connaissent parfois l'image de leurs écrivains favoris, plus rarement celle des éditeurs de leurs ouvrages. Une maison d'édition est une enseigne, un symbole.

Le lundi 3 décembre 1945, tout changea : la grande presse se fit l'écho de l'assassinat inattendu d'un grand éditeur parisien et placarda son image à la «une» de ses quotidiens.

On rappela alors que Robert Denoël était d'origine belge, et qu'il avait édité Céline, Rebatet, et Elsa Triolet.

Ce raccourci destiné au grand public avait le mérite de résumer la carrière météorique de l'éditeur : il avait découvert Céline, fait fortune avec Rebatet, et obtenu le prix Goncourt avec Triolet.

Crime de rôdeur ? Meurtre passionnel ? Règlement de comptes ? Assassinat politique ? Trois enquêtes de police aboutirent à un non-lieu.

Comment la justice qualifie-t-elle un tel acte ? Dans les dictionnaires, les définitions sont précises :

* Le meurtre est un homicide commis avec violence.

* L'assassinat est un homicide volontaire commis avec préméditation ou guet-apens.

Il importe de se rappeler que, durant cinq ans, la thèse du meurtre inopiné a été soutenue par Jeanne Loviton, tandis que Cécile Denoël invoquait celle de l'assassinat.

A noter encore le statut de témoin de Mme Loviton dans l'affaire de la mort de Robert Denoël : elle ne peut donc bénéficier de la présence d'un avocat lors de ses interrogatoires par la police ou par le juge d'instruction.