Robert Denoël, éditeur

 

1932

 

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 18 Janvier 1932

Cher Monsieur,

Nous vous envoyons par ce même courrier les épreuves de Tempête de printemps (1). Nous les avons relues nous-mêmes attentivement et cette lecture a renforcé notre opinion au sujet du livre et plus encore, à votre sujet personnel.
    Nous sommes tout à fait persuadés que vous avez en vous la matière de plusieurs livres importants et que vous arriverez à exprimer tout ce qu’il y a de particulier dans les problèmes qui vous hantent. Il ne vous reste plus qu’à résoudre le problème de la forme.
    En effet, pour arriver à donner une impression de continuité, il faudra vous défier dans l’avenir du style bref. Plusieurs passages, que nous vous avons soulignés, semblent pâtir du fait que les phrases sont courtes ou trop divisées. Il semble que vous fassiez usage du point avec trop de générosité ; souvent, vous pourriez le remplacer par une virgule et garder le même rythme un peu saccadé. Revoyez donc, sans trop d’effroi au point de vue des corrections typographiques, les passages que nous vous indiquons. Çà et là, il y aurait lieu de donner plus de liant, plus de densité, à certains paragraphes.
    Vous nous obligeriez en ne gardant pas les épreuves plus d’une dizaine de jours. Aussitôt la correction faite, nous vous retournerons les épreuves de mise en pages sur lesquelles il ne faudra plus rien changer d’important.
    Nous commencerons à annoncer le livre vers le 5 février, pour le faire paraître sans doute vers le 20 (2). D’ici là, si vous pouviez pressentir vos collègues, faites-le, car en ce moment, plus que jamais, il faut user de toutes les ressources possibles pour arriver à une petite diffusion. Nous comptons un peu sur vous pour cela aussi (3). De notre côté, vous le savez, nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour que votre livre soit lu par la critique et par le public.
    Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus amicaux.
    Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël


1. Le titre définitif du roman a donc été arrêté alors que le volume était à la composition.
2. Sorti de presse le 15 février, Tempête de printemps est mis en vente le 29.
3. L'ouvrage sera annoncé dans le numéro de février de la revue Le Domaine, qui est l'organe des Administrations de l'Enregistrement et des Contributions directes, dont fait partie l'auteur.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

 

À Jean Proal

[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Paris, le 22 Janvier 1932

Cher Monsieur,

    Veuillez trouver, ci-inclus, le texte de votre annonce rectifié. Nous croyons qu’il ne sera pas nécessaire de faire l’envoi contre remboursement, les receveurs de l’enregistrement étant professionnellement d’honnêtes gens.
    D’autre part, c’est bien le 20 février que nous ferons paraître le livre si toutefois la correction de l’épreuve est rapide. Avec nos sentiments les meilleurs,

Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël

Inclus votre annonce : « On annonce, pour paraître vers le 20 février aux Editions Denoël & Steele - 19, rue Amélie, Paris (7e) - Tempête de printemps, le roman de notre camarade Jean Proal, receveur à Voiteur (Jura). Les camarades qui ne pourraient pas se procurer le volume chez leur libraire, le recevront sur simple demande adressée aux Editions Denoël et Steele. Prix net (port compris) 15 frs. Edition sur alfa : 25 frs. » (1)


1. C'est, textuellement, l'annonce parue dans Le Domaine de février. Proal en est donc bien l'initiateur. On apprend au passage que les employés de cette administration se donnaient du « camarade ».
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 27 Janvier 1932

Cher Monsieur,


    Nous avons bien reçu votre lettre du 26 janvier et nous vous en remercions. Nous vous signalons dès maintenant que nous aimerions avoir de vous une notice de 30 à 40 lignes où vous présenteriez votre ouvrage et vous expliqueriez ce que vous avez voulu faire. Cette notice nous servira pour la « prière d’insérer » qui sera envoyée aux journaux et sera reproduite intégralement dans un journal qui s’appelle Les Journaux Médicaux Réunis, qui est distribué à tous les médecins de France. Afin que cette notice paraisse à temps, nous vous serions obligés de nous l’envoyer très rapidement.
    Il vous est possible de signer votre service de presse en deux jours. En effet, si vous arrivez le dimanche soir, vous pouvez faire la plus grande partie de votre service de presse le lundi et terminer le mardi matin, et nous vous préviendrons à temps.

Nous n’avons pas en ce moment les renseignements en ce qui concerne la Fondation Blumenthal, mais nous les chercherons et nous vous les ferons parvenir dès que possible.

Vous recevrez, dans une dizaine de jours, les épreuves de mise en pages de Tempête de printemps sur lesquelles il faudra faire le moins de corrections possible et nous donner le bon à tirer.
    Très cordialement à vous,

Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël

Nous serions heureux, ma femme et moi, de déjeuner avec vous, soit le lundi, soit le mardi de votre passage à Paris. R.D.


* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 5 Février 1932

Cher Monsieur,

    Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous envoyer, le plus rapidement possible, une ou plusieurs photos d’amateur de vous ; probablement pourrons-nous les faire passer dans certains journaux (1). Vous allez recevoir très prochainement les épreuves de mise en pages complètes où vous pourrez nous donner le bon à tirer. Nous vous fixerons définitivement pour le jour du service de presse vers la fin de la semaine prochaine.
    Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de mes sentiments très distingués.
    Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël


1. L'une d'elles a été publiée dans Les Nouvelles Littéraires du 16 avril 1932.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 8 Février 1932

Cher Monsieur,

Nous vous envoyons par ce même courrier un exemplaire de la mise en page de Tempête de printemps. Veuillez avoir l’obligeance de nous le retourner, le plus rapidement possible, avec votre bon à tirer.
    Voulez-vous nous donner une petite notice biographique sur vous, qui nous servira pour L’Intransigeant (1). Nous avons bien reçu les photos et nous vous en remercions.
    Nous vous prions d’agréer, Cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
    Les Editions Denoël & Steele,

B. Steele


1. Non retrouvée.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 10 Février 1932

Cher Monsieur,

    Nous avons bien reçu votre lettre et la petite notice bibliographique qu’elle contenait. D’autre part, nous avons le plaisir de vous annoncer que les Editions Sequana qui, en même temps que l’édition de l’éditeur, tirent un certain nombre d’exemplaires sur beau papier pour une clientèle d’abonnés, viennent de nous demander l’autorisation de tirer, en même temps que notre édition : 1.250 exemplaires de Tempête de printemps.
    Ce tirage à part, qui n’est pas extrêmement rémunérateur, est en tout cas excellent au point de vue de la diffusion. Il est fait, comme vous le savez sans doute, sous le patronage de gens comme : Pol Neveux (à qui l’ouvrage a été soumis pour l’examen), Fortunat Strowski, Henri Massis et André Maurois. Au point de vue moral, c’est une excellente chose. Au point de vue matériel, ce tirage à part vous rapportera 1 fr 25 de droits d’auteur, en supplément des droits que vous avez touchés jusqu’ici. Ces droits sont payables fin avril. Si donc vous êtes d’accord, veuillez nous l’écrire par retour du courrier. En même temps, envoyez-nous le bon à tirer, car l’ouvrage doit paraître aux Editions Sequana pour le 25 février.
    Les Editions Sequana demandent également une présentation de l’ouvrage de trois ou quatre pages. Il nous semble qu’à ce propos vous pourriez vous servir d’une partie du texte de l’introduction. Là aussi, il faut faire diligence, car l’article doit être remis à Sequana pour le 15 février. Il faudra l’adresser à Monsieur Julliard - Editions Sequana - 30, Avenue de Messine - Paris (8ème).
    Tout semble donc bien s’organiser pour le lancement de Tempête de printemps. Cela nous fait d’autant plus plaisir que c’est la première fois que nous réussissons à faire prendre un ouvrage aux Editions Sequana (1).
    Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus cordiaux.
    Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël

Cette présentation paraîtra dans la revue Le Cahier (2) publiée par la même maison, et qui dispose d’une large clientèle à l’étranger.


1. Les Sélections Sequana ont été crées en 1923 par René Julliard [1900-1962]. Adressées à un public d'abonnés, elles proposaient chaque mois, parmi les nouveautés des éditeurs, les livres « les plus représentatifs de l'esprit de notre temps », selon leur slogan. Sequana utilisait la composition de l'ouvrage à paraître, le tirait sur un papier de demi-luxe, et le recouvrait d'une couverture personnalisée. L'auteur n'y gagnait pas grand-chose, l'éditeur un peu plus, mais tout le monde s'accordait à reconnaître à cette formule nouvelle un moyen supplémentaire pour faire connaître les romans récents. Denoël en a bénéficié, comme tous les éditeurs, entre 1931 et 1940.
2. Le Cahier était la revue mensuelle de Sequana. La sélection du roman de Jean Proal est annoncée dans son numéro de février.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Paris, le 20 Février 1932

Cher Monsieur,

Nous avons le plaisir de vous annoncer que les premiers exemplaires de Tempête de printemps nous arriverons le samedi 27 courant. Vous pourrez donc faire votre service de presse le dimanche et le lundi, si vous voulez.
    Nous vous signalons que nous avons fait passer les bonnes feuilles dans L’Ami du Peuple. Nous espérons pouvoir les faire passer encore dans d’autres journaux (1).
    Bien cordialement à vous,

Les Editions Denoël & Steele,

B. Steele


1. A partir du 1er mars, on trouve l'annonce du roman dans une demi-douzaine de journaux et hebdomadaires parisiens.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Paris, le [mercredi] 24 Février 1932

Cher Monsieur,

Entendu pour lundi, le plus tôt que vous le pourrez. Nous comptons sur vous, lundi, pour déjeuner (1).

Bien cordialement à vous,

R. Denoël


1. Jean Proal est venu à Paris pour signer son service de presse. Il n'a pas vu le piège parisien du déjeuner denoélien, où Cécile Denoël avait convié « quelques beaux esprits de la capitale pour le faire connaître ». Dans son journal, il note que des petites boules de pain avaient été disposées à côté de chaque couvert, et il les engloutissait tandis qu’une soubrette lui en apportait de nouvelles. Le deuxième plat n’était pas encore annoncé que Cécile faisait déposer devant le paysan du Jura un gros pain et un couteau de cuisine. « C’est seulement à ce moment-là », écrit Proal, « que je remarquai que les autres avaient à peine déchiqueté de deux doigts négligents le fin bout de leur semble-miche ».
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Samedi 5 Mars 32

Cher Monsieur,

Nous avons été très heureux de vous voir à Paris pendant votre trop court séjour. Malheureusement nous étions fort pris pendant ces deux jours et nous craignons de ne pas vous avoir suffisamment montré la forte sympathie que nous avons pour vous et pour votre talent.
    Un premier contact avec Paris est toujours déprimant. Quand vous y aurez conquis des sympathies et des amitiés - cela ne tardera pas - vous respirerez plus à l’aise. Sous tout cela qui vous semble artificiel et faux, au premier abord, se cache un réel amour des lettres. L’important d’ailleurs n’est pas de conquérir tel ou tel critique mais de trouver les lecteurs auxquels vos livres apporteront une nourriture ou un espoir. Votre solitude est amère, sans doute, mais elle est à la base de toutes les œuvres fortes. Nous avons reconnu en vous la puissance et l’élan : vous verrez que nous [ne] demeurerons pas longtemps seuls à penser de la sorte.
    Tenez-vous le plus possible en contact avec nous. Ecrivez-nous, dites-nous vos projets et vos réalisations. Nous aimerions que cette collaboration, née de la sympathie, se continue sur le plan de l’amitié.

R. Denoël

Vos roses étaient admirables : ma femme a terminé dans leur parfum sa lecture de Tempête de printemps. Votre livre lui a beaucoup plu et elle me prie de vous redire son admiration et sa confiance (1).


1. L'écrivain débutant avait été fasciné par l'impérieuse maîtresse de maison, mais il ne lui en tint pas rancune puisqu’il donna par la suite son prénom à l’héroïne de deux de ses récits : « Elle avait beaucoup plus de charme, de brillant qu’il n’en fallait pour me subjuguer et pour m’enlever toute possibilité d’apprécier ce qu’il pouvait y avoir là-dedans d’artificiel », écrit-il.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 18 Mars 1932

Cher Monsieur,

Nous avions cru que vos exemplaires d’auteur étaient partis. Nous vous les envoyons aujourd’hui en gare de Domblans.     

Quand en ce qui concerne la presse, il faut que vous fassiez provision de patience. Les journaux sont en ce moment inondés de comptes rendus sur les livres de Mauriac, Maurois, Morand et autres romanciers consacrés : vous prendrez votre tour après ces pontifes. Soyez assuré que nous ne le laisserons pas passer. Nous ferons d’ailleurs un peu de publicité dès que cette vague de célébrités sera passée. Nous sommes à peu près sûrs d’avoir un certain nombre d’articles, mais pas tout de suite.
    D’autre part, il y aurait pour vous beaucoup d’intérêt à avoir l’article de Giono, qui passerait immédiatement aux Nouvelles Littéraires, non pas comme une note, mais comme un article de troisième page ou même de première page. N’ayez pas peur d’insister auprès de Giono. Son article pourrait d’ailleurs être le signal de départ de votre livre (1). Quant à l’article de Brasillach (2), ne vous troublez pas, vous en verrez bien d’autres et plus superficiels encore.
    Avez-vous vu la reproduction de la « prière d’insérer» dans L’Ami du Peuple et deux ou trois reproductions en province ? Ce n’est pas la peine d’envoyer des remerciements pour des articles non signés. Tenez-nous au courant des articles que vous recevrez et qui pourraient nous échapper.
    Et croyez, Cher Monsieur, à nos sentiments les plus cordiaux.

R. Denoël


1. Jean Giono ne paraît pas avoir rendu compte du livre.
2. Robert Brasillach a consacré au roman de Jean Proal un article paru dans L'Action Française du 10 mars.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 22 Mars 1932

Cher Monsieur,

    Nous vous félicitons vivement d’être entré à La Revue Hebdomadaire (1). Voilà une chose excellente en soi et qui ne peut qu’attirer plus spécialement l’attention de la critique sur vos ouvrages. Vous pouvez, ou bien leur proposer une nouvelle, ou votre étude sur Cécile Sauvage. Nous supposons qu’ils accepteront plus volontiers une nouvelle.
    De toute manière, cette offre prouve que votre livre a déjà attiré l’attention et nous ne pouvons que nous en réjouir. La Revue Hebdomadaire représente une clientèle catholique, c’est entendu, mais d’un esprit assez ouvert, et beaucoup plus large par exemple que Le Correspondant ou des revues similaires.
    Si Giono ne fait pas l’article, tant pis. Vous en aurez probablement un d’Edmond Jaloux, ce qui sera peut-être aussi bon. En tout cas, nous ne négligeons pas du tout ce côté de la question et nous sommes déjà assurés de plusieurs articles. Nous avons la promesse de Maurice Bourdet pour Le Petit Parisien, de L’Intransigeant et de Paris-Soir (2). Les autres suivront bientôt, mais il faut encore au moins deux mois de patience avant de voir venir les articles en nombre.
    Bien cordialement à vous,
    Les Editions Denoël & Steele,

B. Steele


1. Jean Proal a publié dans cette revue un beau texte consacré à « Cécile Sauvage, poète de la Provence ».
2. Je n'ai pas encore retrouvé ces articles, sauf celui de Paris-Soir, qui est daté du 20 avril.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Paris le 14 avril 1932

Cher Monsieur,

Tempête n’a pas encore la presse qu’il mérite mais ça va venir. Aux Nouvelles vous aurez très prochainement un article très chaud de Charensol (1) et plus tard un article de Jaloux. Figaro, Paris-Soir, L’Intran vont suivre rapidement. Un premier livre est toujours lent à partir, mais nous avons la plus grande confiance. Le temps est notre meilleur ami quand il s’agit d’une œuvre de réelle valeur. Vous vous êtes déjà suscité des sympathies très profondes : c’est très bien. Toutes les occasions nous serons bonnes de rappeler votre nom.
    Pour le prix, il est très bien qu’on cite votre nom. Cela attire l’attention. Mais Tempête n’a provisoirement aucune chance. Si on le dit beaucoup (surtout si on le dit beaucoup) c’est que vous ne l’aurez pas. On doit considérer cela comme une publicité. La vente est calme mais tous les livres se vendent mal en ce moment. De telle sorte qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer. A Digne on en a beaucoup vendu chez Sicard qui en a commandé au moins trois fois.
    Très bien pour les articles de L’Enregistreur et de L’Etat Moderne. Cela agira peut-être sur vos collègues. Aussitôt que les articles auront paru, envoyez-les nous. Nous ferons passer une petite note publicitaire.
    Pas encore reçu le « Journal de Forcalquier » que vous nous annoncez. Dès que nous l’aurons lu, nous vous le retournerons. Avez-vous reçu l’article de René Maran (2) ?
    Pour que nous puissions présenter A hauteur d’homme aux Goncourt, ce qui semble très possible, il nous faut le manuscrit définitif le 30 septembre, date extrême. Ne vous pressez pas. Mais si vous l’avez terminé, nous tenterons la chance.
    Bien cordialement à vous,

Pour Denoël et Steele,

R. Denoël


1. Article paru dans Les Nouvelles Littéraires du 16 avril.
2. Paru dans Bec et Ongles du 9 avril.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 18 Avril 1932

Cher Monsieur,

Nous avons bien reçu les coupures du journal de Forcalquier que vous eu la gentillesse de nous envoyer. Voilà des témoignages très sympathiques qui vous seront certainement utiles.
    Les Nouvelles Littéraires ont donné l’article de Charensol (1), mais il est probable que M. Edmond Jaloux donnera également un compte rendu plus tard (2). Nous avons reçu également un très bon article d’Albert Autin, dans Le Populaire de Nantes.
    Quant aux libraires dont vous nous parlez dans votre lettre, nous proposons des exemplaires à la Librairie Vial à Digne, ainsi qu’à la Librairie Clergue à Sisteron. Espérons qu’ils voudront bien les accepter ! La Librairie Aubert à Digne a déjà pris dix exemplaires et en reprendra probablement, et la Librairie Sicard en a pris vingt-quatre, dont deux exemplaires sur alfa.
    Bien cordialement à vous,
    Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël

Pensez-vous à la Revue Hebdomadaire ? Ne négligez pas ce coin-là.


1. Dans son numéro du 16 avril.
2. Non retrouvé.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 23 Avril 1932

Cher Monsieur,

Nous avons bien reçu votre lettre du 22 et nous vous en remercions. Nous ne croyons pas du tout que vous ayez des chances au prix « Populiste ». Il est vraisemblable que l’on parlera de votre ouvrage pour de nombreux prix avant la fin de l’année : il est plus vraisemblable encore que vous n’en obtiendrez pas.
    Par conséquent, le bruit que l’on fait autour de l’ouvrage ne peut qu’être utile puisqu’il attire vaguement l’attention du public. Nous avons transmis la lettre à M. Escholier. C’est dommage, parce que le titre était joli.
    Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
    Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël


* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Paris le 2 Mai 1932

Cher Monsieur,

Au cas où l’Argus de la Presse ne vous aurait pas envoyé la coupure de La Flandre Libérale, nous vous la communiquons. Vous serez tout à fait aimable de nous la retourner après en avoir pris connaissance.
    Voici l’adresse de M. Jagot : à Saint-Circq Bel-Arbre par Gourdon (Lot).
    Avec nos sentiments les meilleurs,

Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël


* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 6 Mai 1932

Cher Monsieur,

Nous avons lu avec beaucoup de plaisir l’article que vous avez consacré à Cécile Sauvage dans La Revue Hebdomadaire (1). C’est un excellent morceau qui a d’ailleurs été apprécié puisque, comme vous avez pu le voir, L’Action Française l’a repris en grande partie dans sa « Revue de la presse » de jeudi dernier. Nous vous félicitons de ce nouveau succès.
    Votre presse continue à être bonne et nous allons bientôt refaire un peu de publicité, car maintenant il commence à y avoir une petite demande sur votre livre. Nous téléphonons à Gentaz pour lui faire votre message. Nous vous retournons ci-inclus l’article de La Revue Syndicaliste, dont nous avons pris connaissance avec plaisir.
    Comment va votre roman ? Nous espérons que vous n’êtes pas trop surchargé de besogne et que vous pouvez y consacrer une partie importante de votre activité. De toute manière ne vous pressez pas, laissez le temps faire son œuvre. Nous vous répétons que si vous n’êtes pas prêt pour les prix, il n’y a pas lieu de s’en émouvoir.
    La comparaison avec Giono vient si souvent parce qu’elle est évidemment très facile. Il n’en est pas moins vrai que cette comparaison est assez flatteuse, à tout prendre (2).
    Nous croyons comme vous que votre prochain roman s’écartera beaucoup du premier d’après ce que nous en connaissons. Il est évident que votre talent s’oriente plus vers l’étude en profondeur de l’homme que vers une sorte de poème où le sentiment cosmique prédomine.
    Veuillez agréer, Cher Monsieur, avec nos remerciements, l’expression de nos sentiments les plus cordiaux.

R. Denoël


1. « Cécile Sauvage poète de Provence », texte de 12 pages paru dans La Revue Hebdomadaire d'avril.
2. La plupart des chroniqueurs ont comparé le style de Jean Proal à celui de Jean Giono.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 1er Juin 1932

Cher Monsieur,

Nous vous remettons inclus, en un chèque n° 77926, sur la Guaranty Trust Company, la somme de frs : 1.562,50, représentant vos droits de frs : 1,25 par volume pour un tirage spécial de Tempête de printemps en 1.250 exemplaires par les Editions Sequana (1).
    Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël

Avez-vous reçu le chèque de la R.H. [Revue Hebdomadaire] ?


1. Le contrat de Jean Proal avec Denoël et Steele indique que l'auteur « percevra 10 % sur le prix fort de chaque volume vendu », soit 1,50 F. Les droits sur le tirage supplémentaire de Sequana ne sont donc pas aussi négligeables que le laissait entendre l'éditeur dans sa lettre du 10 février.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Victor Moremans


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Sans date [8 Juin 1932]

Cher Ami,

Comment allez-vous ? Voilà bien longtemps que je n’ai de vos nouvelles. Ecrivez-moi si vous le pouvez : je voudrais savoir si vous avez trouvé l’apaisement et la santé.
  Ici cela va tout doucement, en dépit d’efforts sans cesse renouvelés. La crise s’annonce durable et dure. Enfin ! on continue.
  Avez-vous reçu « Vagabonds du Pacifique » ? C’est un très joli livre dont vous pourriez parler dans la Gazette (1). Et cela me ferait grand plaisir.
  Mes hommages à Madame Moremans, mes amitiés à la petite famille. Et croyez-moi bien vôtre,

R. Denoël


1. Le volume de John Russell a été mis en vente le 17 mai. Moremans en a rendu compte dans La Gazette de Liége du 14 septembre.
* Autographe : collection Mlle Geneviève Moremans.

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 15 Juin 1932

Cher Monsieur,

Il semble que vous ayez reçu à peu près toutes les coupures concernant Tempête de printemps. Nous vous envoyons copie de la note parue dans Le Miroir du Monde et de l’article de Gille Anthelme qui habite à Liège - 65, Quai Saint-Léonard (1).
    Nous croyons savoir que votre nouvelle n’a pas encore été agréée par Les Nouvelles Littéraires, mais que ce journal serait disposé à vous en demander une autre. Surtout, que cela ne vous décourage pas, ce qui n’est pas placé d’un côté peut se placer ailleurs.
    Pour La Revue Hebdomadaire, réclamez. Ils se feront tirer l’oreille, mais ils finiront bien par vous payer l’article que vous leur avez donné (2).
    Avec nos sentiments les meilleurs,

Les Editions Denoël & Steele,

B. Steele


1. Depuis 1922 Francis Soulié publiait, sous le pseudonyme de Gille Anthelme, des chroniques littéraires dans les mêmes journaux et revues que Denoël. Apparemment l'éditeur lui faisait le service de presse de ses livres, mais j'ignore où Anthelme publiait ses articles en 1932.
2. « Cécile Sauvage, poète de la Provence », article paru en avril.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Irène Champigny


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Sans date [juin 1932]

Chère Amie,


    Je vous envoie « Capitalisme » et « Misère de l’homme » (1). Ce dernier livre semble destiné à émouvoir les foules.
    Votre lettre nous plonge dans les abîmes de la stupeur. Si nous étions un peu moins pris, j’essayerais de faire un saut au Pré (2). Mais hélas ! c’est un tourbillon que ma vie.
    Provisoirement, je ne peux aller vous voir. Peut-être la semaine prochaine.
    Sans pirandellisme,

R. Denoël


1. Capitalisme et sexualité de René Allendy est paru en février. Misère de l'homme de René Laforgue, début juin.
2. Champigny est momentanément rentrée chez elle, 61 bis rue du Pré Saint-Gervais, dans le XIXe arrondissement.
* Autographe : collection Jean-Pierre Blanche.

À Victor Moremans


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Jeudi 4 août [1932]

Cher Ami,


  Je vous fais parvenir « Le Petit Père Renaud » (1) dont le service de presse n’a pas encore été fait (absence de l’auteur). J’ai écrit à mon Père pour le poste. Merci encore pour votre gentillesse : cela m’a fait un énorme plaisir de vous voir. Vous êtes le plus charmant des amis.

Robert Denoël

1. L'ouvrage de Léopold Chauveau, sixième volume de la « Bibliothèque Merveilleuse », a été mis en vente le 25 juillet.
* Autographe : collection Mlle Geneviève Moremans. Dernière lettre connue au critique liégeois, qui recevra jusqu'en 1939 les « services de presse » de Denoël. Les lettres envoyées entre 1932 et 1939 sont manifestement perdues. En 1940 Moremans a « cassé sa plume » et n'a repris ses chroniques littéraires dans La Gazette de Liége qu'après la Libération.

 

À Jean Proal


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Le 5 août 32

Cher Monsieur et Ami,

Vous avez dû être content de l’article que nous avons enfin obtenu de Marcel Gras dans Le Petit Marseillais. Petit à petit votre nom se crée : il y faut beaucoup de temps et user de patience mais cela vaut mieux ainsi. Les débuts foudroyants sont souvent sans lendemain.
    J’ai été passer quelques jours dans votre admirable pays (1): j’en suis revenu heureux, tout rafraîchi, prêt à recommencer la lutte.
    Mais allez-vous nous donner votre livre (2) pour la rentrée ? J’en serais personnellement très heureux, si toutefois vous ne devez pas vous presser pour le finir. Nous n’avons aucun candidat aux prix de fin d’année et nous aimerions de vous présenter. Pour cela il nous faut votre manuscrit le 25 septembre au plus tard. Qu’en pensez-vous ? Si vous ne le donnez pas le 25 septembre nous nous reportons au mois de février.
    Ecrivez-nous une petite lettre à ce sujet, afin que nous soyons fixés. Et pensez à un titre. Dites à votre frère que je le remercie des renseignements qu’il m’a envoyés : je suis passé à quelques kilomètres de Barrème mais n’ai pu aller le voir, à mon grand regret.
    Bien cordialement à vous,

R. Denoël


1. La famille Denoël a passé ses vacances dans le Jura.
2. À hauteur d'homme, second volume du « Maître du jeu ».
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Jean Proal


[Sigle imprimé des Editions Denoël et Steele]

Paris, le 9 Août 32

Cher Monsieur,

Nous sommes enchantés de la bonne nouvelle que vous nous annoncez et nous vous en félicitons bien chaleureusement. Nous ne doutons pas que l’heureuse atmosphère de votre admirable pays ne vous pousse à composer dans la joie votre second livre dont nous espérons, vous le savez, beaucoup.
    Bien cordialement à vous,
    Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël

* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Hubert Dubois


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël et Steele
Paris VIIe - 19, rue Amélie

Paris, le 16 août 1932

Cher Ami,

J'ai bien reçu ton aimable lettre du 17 juillet et j'y réponds avec un bon mois de retard que tu voudras bien attribuer aux vacances et aux voyages.
  Je t'envoie aujourd'hui un volume de notre « Bibliothèque Merveilleuse », ainsi que le prospectus que tu trouveras ci-inclus.
  Cette bibliothèque a déjà fait paraître six volumes (1) et il y en a d'autres en route. Les textes sont évidemment très bons. Les illustrations ne sont pas à la hauteur des textes pour des raisons de prix de revient. Néanmoins, tels qu'ils sont, ces volumes sont certes au-dessus de ce qu'on donne habituellement pour les distributions de prix.
  Si tu as quelque influence dans ce domaine (2), fais-la agir et je t'en saurai une gratitude considérable.
  La remise accordée pour les distributions de prix est de 40 % sur le prix fort. Je te remercie de ton aimable attention.
  Et crois-moi, je te prie, bien amicalement dévoué

Robert Denoël

Pardonne-moi de ne pas t'avoir dit plus tôt le plaisir que m'a fait la lecture de tes poèmes (3) : j'y ai retrouvé cet accent douloureux, d'une gravité plus marquée encore que dans tes autres recueils. C'est de la poésie dramatique, dure, impitoyable. Je ne cesserai pas de l'aimer. RD


1. Ce septième volume paru en juillet 1932 est Histoire du Petit Père Renaud par Léopold Chauveau.
2. Hubert Dubois est instituteur et peut donc, à ce titre, proposer les volumes de cette collection pour enfants lors des distributions de prix de fin d'année.
3. L'Heure entre chien et loup est paru en décembre 1931 à Marseille, aux Cahiers du Sud. Denoël lui en a accusé réception mais a tardé à le lire.

À Georges Poulet

Paris le 27 août 1932

Mon Cher Georges,

  J’ai parfaitement reconnu ton écriture et aussi le dessin sinueux de tes phrases où pour le plus grand plaisir de ma vanité tu dispenses si généreusement l’éloge. Crois bien que j’y ai reconnu surtout le visage aimable jusque dans ses réticences de cette amitié dont la distance (1) a sans doute relâché les liens mais que je suis sûr de retrouver à peu près pareille le jour où un effort, à moins que ce ne soit le hasard, nous mettra en présence. Tu as évolué et de cette manière heureuse que je souhaitais pour toi au temps de nos réunions rue de la Paix (2). Il te manquait le contact direct avec la vie pour arriver à une conscience nette de toi-même. Je ne sais si cette expérience a été pour toi pénible au paisible mais le ton de tes écrits me révèle que tu l’as faite et que tu la continues. Et cela m’enchante parce que maintenant je retrouve entière cette confiance que je te manifestais autrefois au temps où tu faisais l’enfant prodige (comme eût dit Petronio) (3). Ce don extraordinaire d’expression qui nous jetait dans l’admiration, j’avais craint un instant qu’il ne t’enchante trop et qu’il ne te conduise à des exercices un peu vains. Tu me prouves aujourd’hui et d’une façon péremptoire qu’il est temps pour moi de bannir une crainte ridicule. Cela me plaît plus que tu ne peux l’imaginer.
  Je regrette beaucoup que tu ne m’aies pas parlé de ces articles sur le roman anglais. Il eût été possible de les publier à Paris dans une revue importante. Mais ce n’est que partie remise si tu veux me permettre de m’en occuper. Envoi-moi donc cinq exemplaires de « Sang Nouveau » (4) et promets-moi de répondre aux lettres qui te parviendront sans doute vers le mois d’octobre à la suite de démarches que je veux tenter.
  Il est bien évident que ton projet m’intéresse beaucoup et que je vois de grandes possibilités de succès. Donc, en principe, je le publierai. A parler franchement, je ne crois pas que l’on puisse espérer un succès matériel en France, c’est-à-dire, une vente de plus de 3.000 exemplaires. Mais je suis sûr que ton ouvrage sera immédiatement traduit en Angleterre ou en Amérique où il obtiendra une vaste audience. Donc, commence-le dès ton retour. Nous nous arrangerons pour t’en faire publier des fragments avant la publication en volume dans « Les Nouvelles », « Revue de Paris », « Cahiers du Sud », « N.R.F. », etc., où nous comptons beaucoup d’amis. Je voudrais d’ailleurs et je vais m’en occuper si tu m’y autorises que tu donnes une chronique des lettres anglaises soit aux « Nouvelles » soit ailleurs. Il est indispensable que tu rappelles ton existence au public français et aux gens de lettres français parmi lesquels, tu le sais, tu comptes de nombreuses sympathies.
  Quant à moi, je ne travaille presque plus personnellement, étant dans l’impossibilité matérielle de me livrer au grand roman que j’incube depuis trois ou quatre ans. Je travaille quelques heures tous les mois, je cherche le ton et j’en approche lentement, lentement. Quand je l’aurai trouvé il me restera à écrire et cela durera deux ou trois ans. Tes prédictions se réaliseront. T’en souviens-tu ? «Tu feras un roman dans dix ans » (5). Je crois que ce sera vrai.
  Depuis que je suis à Paris, j’ai eu à soutenir des luttes souvent mesquines, presque toujours amères. Et ce n’est pas fini en dépit d’une réussite morale qui s’affirmera davantage encore cet hiver.
  Le métier d’éditeur me donne des joies assez vives parfois mais il m’oblige à composer avec une certaine médiocrité, indispensable pour des raisons matérielles. Je ne peux me permettre certaines publications de valeur qu’à la condition de les balancer par d’autres que je voudrais parfois plus honorables.
  Tu sais quelle affection j’ai toujours manifestée pour ton frère. Elle ne fait que croître depuis que je suis avec lui en relations plus suivies. Tu n’imagines pas quelles résistances il faut vaincre pour arriver à le faire parler de ses livres (6). Cela me navre de le voir attendre si longtemps le succès - ne serait-ce que parmi ce public lettré ou dit tel dont la paresse est inimaginable. Peut-être Le Meilleur et le pire que nous publierons en novembre sera-t-il le vrai point de départ.
  Vers la fin de septembre je t’enverrai deux romans : La Jeune Fille au masque de Janine May et Voyage au bout de la nuit de L.F. Céline (7). Le second me paraît extraordinaire (8).

A bientôt une autre lettre.

Cordialement,

Robert


1. Georges Poulet, reçu docteur en philosophie et lettres à l'université de Liège enseigne, depuis 1927, la littérature française à l'université d'Edimbourg. Les deux amis ne se sont plus revus depuis novembre 1926, alors que Denoël travaillait à la Galerie Champigny.
2. Domicile liégeois de Georges Poulet.
3. Arthur Pétronio [1897-1983], fondateur et animateur de la revue littéraire liégeoise Créer, à laquelle Denoël et Poulet collaborèrent en 1922 et 1923.
4. Revue d'avant-garde publiée à Charleroi entre juin 1927 et 1937, avant de devenir Cahiers du Nord. Les articles de Georges Poulet qui y ont été publiés sous le pseudonyme de Georges Thialet ne paraissent pas avoir été réunis en volume.
5. Voir en effet le témoignage que Georges Poulet avait rédigé en 1979 à mon intention.
6. Denoël a publié Handji en février 1931, Le Trottoir en octobre 1931, et il est sur le point de faire paraître Le Meilleur et le pire.
7. Volumes mis en vente le 30 août et le 15 octobre 1932.
8. « Denoël m’a fait parvenir, signé de Céline, un exemplaire du Voyage au bout de la nuit, au moment de son apparition. Je me rappelle en avoir lu quelques pages, mais fus forcé d’en interrompre la lecture, tant était grande chez moi la révulsion causée par des pages dont la force m’apparaissait comme insupportable. » [lettre à l'auteur, 12 juillet 1979].
* Autographe : Archives littéraires suisses, Berne. Cote ALS Poulet-B-2-DEN.

 

À Jean de Bosschère

Dimanche 28 août [1932]

Cher Ami,

Satan l’Obscur (1) est un livre trop dense, trop ardent pour qu’il soit aisé de le définir. On peut en aimer tous les aspects, en saisir du regard certaines perspectives inouïes, en comprendre la valeur humaine, les prolongements mystiques, la résonance, mais il est difficile après une seule lecture de faire la synthèse de ces éléments où vous avez exprimé, sincère jusqu’au déchirement, le plus secret d’une âme. Je crois le thème de Satan l’Obscur absolument original, très différent du Dedalus (2), traité dans le sens de la profondeur, avec la passion du vrai, ce qui imprime à tout le récit un accent d’âpreté désespérée absolument unique. Votre analyse, d’une lucidité qui effraie, perce l’apparent, creuse, n’a de cesse qu’elle n’ait atteint l’essentiel de l’être, aussi vos personnages - êtres de douleur et de tourment - vivent-ils avec intensité. Vous avez rendu perceptibles non seulement le mouvement de leur cœur, leurs aspirations les plus cachées, les plus brûlantes, mais jusqu’à leur personne physique, leur démarche, leur odeur. Vous les enveloppez en outre, d’une impalpable atmosphère, parfois pleine de délices, parfois corrosive où chacun de leurs gestes prend sa signification et sa valeur poétique.
  Satan l’Obscur est un beau livre, ce sera peut-être votre livre, je ne sais. Il gagnerait certainement, il deviendrait plus communicable sans rien perdre de sa force, si vous consentiez à en décanter la forme, à la dépouiller de certains ornements désuets ; il me semble qu’une certaine nudité serait plus péremptoire, plus agissante.
  Mais pour vous dire clairement ma pensée il me faudrait de longs développements que je préfère faire de vive voix. Voulez-vous que nous nous rencontrions pour en parler ? Nous pourrions déjeuner ensemble lors de votre passage à Paris ou nous voir, soit au bureau soit au café.
  Je vous aurai dit depuis longtemps mon sentiment au sujet de ces extraordinaires mémoires, si un deuil, une courte maladie et d’autres soucis d’un ordre mesquin ne m’en avaient empêché. Pardonnez-moi ce long retard et croyez-moi votre ami,

R. Denoël


1. Rédigé au cours des années 1930-1931, ce roman autobiographique est la suite de Marthe et l'Enragé, paru en 1927 chez Emile-Paul. Denoël le publiera en novembre 1933 dans la collection à tirage limité « Loin des foules ». Le volume se vendit mal : en juin 1941 il était toujours disponible chez l'éditeur, sur tous les papiers de luxe, à leur prix d'émission.
2. La première traduction française du livre de Joyce, due à Ludmilla Savitzky, parut en 1924 aux Editions de la Sirène.
* Autographe : Archives et Musée de la Littérature, cote ML 2902/95.

 

À Jean Proal


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 10 Octobre 1932

Cher Monsieur,

    Nous faisons parvenir, comme vous nous le demandez, l’exemplaire de Tempête de printemps à M. Balland à Lyon. Nous sommes heureux de cette occasion qui nous permet d’avoir de vos nouvelles.
    Certes, nous aurions aimé de publier votre second volume au printemps, mais nous ne pouvons que vous encourager à le porter aussi prêt que possible de la perfection et si nous devons attendre l’automne prochain, nous l’attendrons patiemment.
    Edmond Jaloux est l’être le plus capricieux et le plus aimable que nous connaissions, de telle sorte qu’il est à peu près impossible de savoir ce qu’il a l’intention de faire. Comme, d’autre part, nous ne sommes pas en rapports constants avec lui, il nous est bien difficile de le pousser au sujet de votre livre. Mais, ne vous inquiétez pas, il vous fera certainement un article, si ce n’est pas sur Tempête de printemps, ce sera sur Tempête de printemps et sur le second volume (1).
    Bien cordialement à vous,

Les Editions Denoël & Steele,

R. Denoël

Je vous envoie vers la fin de la semaine un prodigieux roman : Voyage au bout de la nuit par Louis-Ferdinand Céline (2).


1. Je n'ai pas retrouvé de compte rendu des deux premiers romans de Jean Proal par Edmond Jaloux.
2. Le roman de Céline est paru le 15 octobre.
* Autographe : collection Mme Jean Proal.

À Louis-Ferdinand Céline

Paris, le 6 décembre 1932


    Monsieur,


    Veuillez trouver, ci-inclus, un chèque de 5.000 frs sur le Comptoir National d'Escompte de Paris, à valoir sur vos droits d'auteur du « Voyage au Bout de la Nuit » (1).
    Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués.
    Pour les Editions Denoël & Steele,
    Le Chef Comptable

[Auguste Picq (2)]


1. Les prix Goncourt et Renaudot ont été décernés le lendemain. Il ne s'agit donc pas d'un à-valoir sur un succès escompté mais d'une avance en vue des frais d'un voyage d'une quinzaine de jours : Céline quitte Paris pour Vienne, le 11 décembre.
2. Auguste Picq [1897-1996] était, depuis le 18 septembre 1931, le comptable des Editions Denoël et Steele. Il restera au service de Robert Denoël jusqu'à la mort de l'éditeur.
* Repris de : P.-E. Robert. Céline & les Editions Denoël, 1991. Copie dactylographiée dans les archives des Editions Denoël.

 

À Pierre Albert-Birot


[En-tête imprimé :]
Les Editions Denoël & Steele
Paris VIIe - 19 Rue Amélie

Paris, le 20 décembre 1932

Cher Monsieur,

Tout arrive. Même le temps de donner Grabinoulor à la composition. Veuillez avoir l’obligeance de nous envoyer le manuscrit définitif, qui verra probablement le jour dans le courant du mois de mars (1).

Bien cordialement à vous,

R. Denoël


1. Le contrat pour Grabinoulor, signé le 10 mars 1932, prévoyait que le volume paraîtrait au cours de l'année 1932. L'auteur a accumulé les retards, revoyant et corrigeant son texte durant des mois. L'éditeur en annoncera la parution dans la collection « Loin des foules » en janvier 1933 [« Grabinoulor va enfin paraître en mars »] et l'ouvrage sortira de presse le 29 mars.
* Autographe : Université d'Austin, Texas, fonds Carlton Lake.