Robert Denoël, éditeur

Jean de Bosschère

 

Né à Uccle le 5 juillet 1878, décédé à Châteauroux le 17 janvier 1953. C’est par Mélot du Dy que Denoël a connu de Bosschère, qui s’était installé au 12 de l’avenue de Corbéra, dans le XIIe arrondissement, au début de 1926, avec sa compagne Elisabeth d’Ennetières. Son nom apparaît dans la correspondance de Denoël dès le 29 octobre 1926, soit deux semaines après son arrivée à Paris.

L’année suivante les deux hommes forment le projet d’une édition illustrée de L’Ane d’Or, que Bosschère avait déjà illustré en 1923 pour l’éditeur anglais John Lane. L’artiste dessine le logotype des Trois Magots, et sa compagne accepte de marrainer la librairie, qui ouvre en mars 1928. Le livre paraît en juillet.

  

D'autres projets non aboutis sont attestés en 1928. En janvier Denoël avait écrit à Champigny que « c’est encore Bosschère qui m’a mis en relation avec le philosophe américain chargé de composer une revue. Elle sera prête à paraître dans 3 mois et j’ai la promesse à peu près ferme d’en être l’éditeur payé pour un an ». On n’a aucune indication quant à cette revue dont Denoël expliquait qu’il s’agissait « d’une revue d’art et de philosophie, rédigée en anglais et destinée à un vaste public international. »

En octobre Denoël obtient l’autorisation de publier un album des 12 gravures réalisées par Bosschère pour Little Poems in prose de Baudelaire que l’éditeur Edward Titus est sur le point de publier. La préface écrite par Antonin Artaud mécontente l’artiste, et le projet est abandonné.

En avril 1929 Denoël publie L’Art et la mort d’Artaud pour lequel Bosschère grave un frontispice.

    

En novembre 1933 Denoël publie Satan l’obscur dans sa collection à tirage limité « Loin des foules ». Dans la même collection avait paru en septembre L’Eglise et Bosschère avait proposé de faire le portrait de l’auteur mais Céline refuse toute idée de portrait et impose un cliché insolite du masque d’une morte.

En mai 1934 la Librairie des Trois Magots consacre le 6e numéro de sa revue L’Année poétique à Bosschère, qui rédige, pour la même collection, la préface du numéro de janvier 1935 consacré à Audiberti et dessine le portrait de Yanette Deletang-Tardif pour celui de juillet 1935.

En mars 1935 Bosschère soumet à Denoël le manuscrit de Vanna, qui est refusé : « Si nous publions un roman, il ne faut pas que nous recommencions l’aventure de Satan », lui écrit Denoël. Satan l’obscur est en effet le seul titre de la collection qui se soit mal vendu. Vanna dans les jardins de Paris, qui est le dernier roman de l’auteur, ne paraîtra qu’en 1945 chez Robert Laffont.

Au cours de l’année 1937 Jean de Bosschère réalise 9 aquarelles pour une édition illustrée de Sangs, le roman de Louise Hervieu qui avait obtenu le prix Renaudot 1936. Le livre ne se fera pas. On ne sait s'il s'agissait d'une commande de l'éditeur.

  

En septembre 1937 paraît L’Obscur à Paris. La même année Bosschère décide de créer une revue mensuelle de poésie et il en confie la distribution à Denoël : quatre numéros de Mouches à miel verront le jour entre mars 1938 et janvier 1939.

En tant qu’écrivain et illustrateur, Jean de Bosschère est donc resté lié plus de dix ans avec Robert Denoël, et leur collaboration se serait sans doute prolongée si la guerre n'avait éloigné l'écrivain de Paris pour La Châtre. Dans le dernier numéro de Mouches à miel l'éditeur annonçait, pour paraître en mars 1939, un roman historique : « Le Poison de Diane », dont la revue Les Nouvelles Lettres publia un fragment en mai, mais qui ne parut jamais entièrement en français. Une traduction anglaise vit le jour en 1942 sous le titre The House of forsaken hope.

L'Intransigeant,  26 février 1939

L'Intransigeant, 26 février 1939

En mars 1935 il avait fait paraître aux Editions Sagesse Portraits d’amis, qui comporte 29 portraits dessinés à la plume rehaussés d’encre de Chine et légendés : celui de Robert Denoël est l'avant-dernier du recueil.

  

 

Voici le texte qui l'accompagne : «Si je dis qu’il est un beau géant qui, au lieu d’aller à son labeur de transporter des montagnes et ruiner des temples, s’est trompé de route et a pris les voies de la pensée et de la vie intérieure, ne verra-t-on pas un éditeur actif maniant des hommes et des idées au milieu de bureaux et de rayons de stock bourdonnant d’activité ?

Or, je veux dire que cet homme jeune, haut de taille, aux yeux perçants d’observateur et de connaisseur d’hommes, est un géant affiné par l’esprit et le bon usage de la pensée. La plus haute, celle du poète.

Un des rares éditeurs de Paris qui s’égalent aux auteurs qu’ils acceptent. »