Robert Denoël, éditeur

 

Les annonces dans la presse en 1940

On ne s'étonnera pas de l'absence d'annonces des Editions Denoël au cours de cette année catastrophique puisque la maison de la rue Amélie n'a publié, entre janvier et mai, que 22 brochures patriotiques de la revue Notre Combat, avant d'être fermée par l'occupant entre juin et octobre.

Quatre ouvrages virent le jour durant cette période, dont deux romans qui étaient imprimés dès la fin de l'année précédente.

A la réouverture de sa maison Denoël s'appliqua à reconditionner des ouvrages anciens, mais ne publia aucun livre nouveau avant avril 1941.

Cela ne l'empêcha pas, deux mois avant la débâcle, d'accorder à une journaliste de Marianne, une interview résolument optimiste quant à l'avenir de sa maison d'édition.

 

Marianne,  20 mars 1940

 

« Ça va très bien », déclare-t-il : sa maison n'a-t-elle pas obtenu les prix Femina et Renaudot en décembre ? Certes « la vente est basse et le papier monte », mais un roman de Jean Rogissart, chambré depuis novembre, va voir le jour en avril, et obtiendra le prix du roman populiste, mais que vaut ce prix littéraire dans la situation actuelle ? : « J’ai remué un peu la presse, en faveur de Fer et la forêt et j’ai obtenu quelques articles. Malheureusement, les résultats matériels sont faibles », écrit-il à l'auteur, le 12 décembre 1940.

La semaine suivante il fera à Rogissart un autre bilan : « Rue Amélie, c’est la maison du silence. Toute l’activité d’autrefois a disparu. Les quelques personnes qui travaillent, font des inventaires, chiffrent, établissent le bilan de la catastrophe. Je ne publie rien encore. Tout le monde vit au ralenti. Les échanges sont rendus très difficiles par la difficulté des transports. Mes meilleurs amis ne sont pas encore rentrés.On ne voit pour ainsi dire personne. La vie littéraire est comme morte, je veux dire ce qui en faisait la régularité, l’agrément. »

La plupart des ouvrages annoncés virent tout de même le jour : La Foire aux femmes de Gilbert Dupé parut en mai 1941, Mallarmé l'obscur en novembre 1941, Scènes de la vie médicale de Pierre Delbet en avril 1942. Celui d'Elisabeth de Grammont est resté inédit.

Denoël annonçait aussi deux romans d'importance mais il fut déçu car Aragon avait traité avec Gaston Gallimard pour Les Voyageurs de l'Impériale en mai et il parut à la NRF en décembre 1942.

Quant au « magnifique Casse-pipe » qu'il « tenait en réserve », pourquoi Denoël déclare-t-il que « la Censure ne le laisserait pas passer » ? C'est un roman qui est annoncé depuis 1936, et dont Céline a abandonné l'écriture, mais il semble que son éditeur en connaît la teneur. Il n'importe : ce livre ne paraîtra pas chez lui.

 

Ouvrages figurant sur la Liste Otto,  septembre 1940

 

La Liste Otto est parue encartée dans le numéro du 4 octobre de la Bibliographie de la France. Elle concerne 1 060 titres publiés par 135 maisons d'édition. Chez Denoël, trente titres sont mis à l’index, et tous les numéros de sa revue Notre Combat.

Elle avait été précédée, en août, par une « Liste Bernhard » établie assez sommairement à Berlin et à Leipzig par les services allemands. Trois titres publiés chez Denoël y figuraient, qu'on retrouve ici : Les Dictateurs de Jacques Bainville [1935], La Victoire des vaincus d’André Fribourg [1938], et La Croisade gammée de Louis Roubaud [1939]. Tous les numéros de sa revue Notre Combat s'y trouvaient déjà.

 

    

 

En Belgique, une liste équivalente fut publiée en septembre 1941 : la plupart des titres de la Liste Otto s'y trouvaient confirmés avec, on ne sait pourquoi, cinq titres supplémentaires : Vers un racisme français de René Gontier [1939], Quand Israël rentre chez soi du Belge Pierre Goemare [1935], La Monstrueuse affaire Weidmann de Georges Oubert et Max Roussel [1939], consacré à une affaire de droit commun (Weidmann fut le dernier guillotiné en public en France), La Révolution est à droite de Robert Poulet [1934], Curieuse époque de Georges Rotvand [1939].

Deux titres se trouvant sur la liste Otto n'y figuraient pas : L’Eglise catholique et la question juive, un ouvrage traduit de l'allemand par Arnold Mendel [1938], et La Désagrégation de la Tchécoslovaquie de Georges Blondel [1939 ; mais la production de l'auteur était interdite].