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Robert Denoël, éditeur

 

Catalogue des Editions Denoël   1939

On ne trouve aucun catalogue de l'éditeur au cours de cette année funeste mais on dispose d'une brochure-bilan de 16 pages [175 x 130] imprimée par la Typo Solleau le 29 janvier 1939 en vue de constituer une nouvelle société.

L'éditeur y résume sa jeune carrière et ses projets immédiats : elle constitue donc une sorte de catalogue commenté de ses publications, parues ou à paraître. Mieux, elle nous révèle ce que fut la maison d'édition de la rue Amélie durant dix ans.

Il convient de la parcourir avec prudence car elle était destinée à attirer de nouveaux capitaux en vue de renflouer une société d'édition virtuellement en faillite.

On y trouve parfois de curieuses confidences. Denoël écrit, à propos de ses débuts difficiles : « Il fallut bâtir un fonds de toutes pièces, inventer des auteurs nouveaux, les faire connaître ». Inventer des auteurs nouveaux... C'était très moderne pour l'époque.

Parmi les titres à succès qu'il cite, L'Hôtel du Nord fait alors l'objet d'une édition de grand luxe « en fabrication » : il s'agit de l'illustration de Robert Jeannisson destinée à la Société des Amis du Livre Moderne, commencée en 1939 et qui ne verra le jour qu'en 1944.

Les éditions « à bon marché » lui plaisent davantage car elles lui rapportent plus. La plupart sont dues à Fayard (« Le Livre de demain ») ou Ferenczi (« Le Livre moderne illustré »), mais Denoël s'y est essayé lui aussi en 1937 et 1939 avec des romans de Louise Hervieu et René Laporte.

Depuis le 1er janvier 1938, l'éditeur a confié la distribution de tous ses ouvrages aux Messageries Hachette « par mesure d'économie », écrit-il. On peut l'écrire ainsi. Mais tous les éditeurs savaient qu'en refusant la tutelle du Trust Vert, ils se privaient d'une bonne diffusion de leurs ouvrages. Denoël aura résisté durant sept ans.

C'est dans son programme d'édition pour 1939 qu'on trouve le plus de désillusions. Aragon publiera ses Voyageurs de l'impériale chez Gallimard, Braibant et Laporte le quitteront peu après pour des raisons identiques (Denoël ne paie plus ses auteurs), et Céline abandonnera Casse-pipe. Les ouvrages de Serge Lifar, Simon Arbellot et Léon Pierre-Quint ne verront pas le jour.

L'édition « de bibliothèque, très soignée » de Voyage au bout de la nuit pose question. Il ne peut s'agir de l'édition illustrée par Gen Paul, annoncée en 1934 et abandonnée l'année suivante. Denoël envisageait-il de publier une édition de demi-luxe du roman, comme il l'avait fait en 1931 pour L'Hôtel du Nord ? Le projet n'est attesté nulle part.

L'éditeur écrit encore que son catalogue comprend alors 500 titres dont une centaine rachetés à d'autres firmes, qu'il a publié 52 ouvrages en 1938, et qu'il emploie à temps plein quatorze personnes. Tout reste à vérifier.