Robert Denoël, éditeur

18 heures

Marion Delbo propose à ses invités de rester dîner : «Vers 17 heures ou 18 heures, j’ai proposé à M. Denoël de rester dîner, il a accepté mais m’a demandé de consulter Mme Loviton. Je me suis rendue auprès de cette dernière, qui a accepté également, mais dix minutes environ après, elle est revenue vers moi, me disant qu’il ne leur était pas possible de rester dîner car, disait-elle, ils devaient rejoindre un ami puis se rendre au Théâtre Agnès Capri.

J’ai insisté, lui proposant de téléphoner à cet ami ou à cette amie mais elle a refusé, disant qu’on ne pouvait le ou la prévenir, qu’il était impossible de joindre cette personne, qu’il fallait à tout prix se rendre au théâtre. J’ai pensé à ce moment qu’elle employait un moyen poli pour décliner mon invitation»

François Baron : «Vers 18 heures, Mme Marion Delbo nous a priés de rester dîner, mais M. Denoël et Mme Jean Voilier ont décliné cette invitation, disant qu’ils devaient se rendre au théâtre chez Agnès Capri, à une générale, je crois. Je me rappelle parfaitement qu’ils devaient, pour une raison quelconque, passer chez eux avant de se rendre au théâtre. Peut-être était-ce pour se changer ou prendre les places déposées chez eux. On pouvait supposer en raison de leur hâte, de leur rapidité, qu’ils avaient quelque chose à faire ou quelqu’un à rencontrer entre le moment où ils me quittaient et le moment où ils devaient arriver au théâtre.»

Jeanne Baron : «Je n’ai aucun souvenir que Mme Jeanson ait tenté de nous retenir à dîner avec M. Denoël et Mme Loviton, mais c’est possible. En tout cas je me rappelle fort bien que Mme Loviton a déclaré qu’elle devait, ainsi que M. Denoël, assister à une première dans un théâtre dont je ne me rappelle pas le nom. Elle a ajouté qu’ils devaient retrouver des ‘amis’ qui devaient, eux aussi, assister à cette première. Elle disait craindre d’être en retard, ajoutant qu’elle devait passer chez elle pour se changer, tout au moins je crois m’en souvenir et je ne puis être affirmative sur ce point.

En ce qui concerne les amis que M. Denoël et Mme Loviton devaient retrouver dans la soirée, je me rappelle que Mme Loviton en a parlé chez Mme Jeanson, mais je n’ai aucun souvenir qu’elle en ait à nouveau parlé dans la voiture lors du voyage de retour. Je crois que le lieu de rendez-vous était le théâtre, mais je n’en suis pas certaine. Etait-ce pour dîner et aller au théâtre ensuite, je ne puis dire.»

Jeanne Loviton ne mentionne cette invitation à dîner que dans son audition du 15 janvier 1950, et sur questions précises des enquêteurs :

Demande : Mme Jeanson ne vous avait-elle pas invités à dîner ?

Réponse : Je crois qu’elle a dû nous inviter à dîner mais en réalité je ne me souviens plus.

Demande : Mme Jeanson, M. et Mme Baron ont déclaré que vous aviez prétexté devoir vous rendre au théâtre ?

Réponse : C’était vrai, nous avions des places depuis la veille au théâtre Agnès Capri, rue de la Gaîté.

Demande : Combien de places ?

Réponse : Deux.

Demande : Mme Jeanson et Mme Baron ont déclaré que vous aviez dit devoir, en outre, retrouver un ou des amis, avant de vous rendre au théâtre ?

Réponse : Il est possible que j’ai dit cela uniquement pour pouvoir m’en aller.

Demande : Vous aviez déjà l’excuse du théâtre ?

Réponse : Le théâtre était trop tard, je voulais sans doute partir tout de suite. Il était tard, il faisait nuit, il brouillassait et j’étais très fatiguée. En outre nous étions chez Mme Jeanson depuis 13 heures.»

Armand Rozelaar écrira le 11 mars 1950 au procureur Besson : «Il résulte de l’ensemble des dépositions que Mme Marion Delbo avait voulu retenir M. Denoël et Mme Loviton à dîner, que Denoël avait accepté, mais que Mme Loviton aurait prétexté l’obligation impérieuse d’être à Paris de bonne heure, pour assister à une Générale ou à une Première, au Théâtre de la Gaieté Montparnasse.

Vérification faite par la police : le Théâtre de la Gaieté Montparnasse ne donnait ce jour-là aucune représentation particulière (donc ni première ni répétition générale), sauf erreur, on y présentait un spectacle sous le titre de ‘Zig-Zag’, spectacle monté par Mme Agnès Capri.»