Robert Denoël, éditeur

2009

 

Janvier

 

Le 19 : Création des « Etudes rebatiennes », un blog consacré à l'œuvre littéraire de Lucien Rebatet par Gilles de Beaupte, professeur de lettres parisien.

Du 20 au 25, se déroule à Biarritz le 22e Festival International de Programmes Audiovisuels [FIPA] au cours duquel seront présentés 65 films télévisés inédits en compétition, provenant de 22 pays. Il existe une « Sélection non compétitive » de 36 films où, dans la série « Situations de la création française », on trouve le téléfilm de Denys Granier-Deferre : Les Livres qui tuent. Le site du FIPA en publie toutes les caractéristiques techniques :

 

Le 23 : « Rémy Hétreau : un monde enchanté », catalogue [284 numéros] de la vente de l'atelier du peintre à l'Hôtel Drouot. Cette dispersion avait été précédée d'une rétrospective, du 17 décembre 2008 au 15 janvier 2009 au Centre Charles Péguy à Orléans.

  

Né le 31 janvier 1913 à Patay, dans le Loiret, Hétreau avait suivi en 1930 les cours de l'Ecole des Beaux-Arts d'Orléans, et ouvert son atelier personnel de peinture, sculpture, et gravure en 1941. Robert Denoël l'avait découvert en janvier 1943 au Théâtre de la Cité où se jouait Crainquebille d'Anatole France dont l'artiste avait créé les décors, et lui avait commandé 56 eaux-fortes pour L'Hôtel du Nord, qui sera son premier livre illustré.

L'année suivante Hétreau entreprit d'illustrer de lithographies Le Mouchoir rouge du comte de Gobineau dont Denoël lui avait passé commande en janvier 1944 et dont l'édition ne vit le jour qu'en septembre 1945 aux Editions de la Tour. Le 13 novembre 1945 Elsa Triolet s'était rendue, en compagnie de l'éditeur, à son atelier pour mettre au point une édition illustrée de Mille Regrets, projet qui remontait au 8 août 1944 et qui n'aboutit pas à cause de la mort brutale de l'éditeur. Rémy Hétreau est mort à Paris le 28 novembre 2001.

 

Février

 

Le 3 : Le Club France Télévisions place sur sa page d'accueil une vidéo de présentation du téléfilm : Les Livres qui tuent. Courtes interviews de Blanche Gardin qui tient le rôle de Madeleine Maury, une jeune bibliothécaire communiste, de Lorent Deutsch qui est Léo Schwartz-Lenoir, le journaliste belge enquêtant sur le meurtre de Robert Denoël, du réalisateur, et du directeur de la photo, Aleksander Kaufmann. Les autres séquences proviennent des coulisses du tournage.

La distribution des rôles est la suivante :

    

             Lorant Deutsch                             Eric Prat                             Hubert Saint Macary                   Urbain Cancelier

Le journaliste belge Léo Schwartz : Lorent Deutsch

Le directeur du journal L'Express, Raoul Vanegam : Eric Prat

L'avocat Armand Rozelaar : Hubert Saint Macary (qui aurait, physiquement, fait un Denoël très convaincant)

Le patron du restaurant : Urbain Cancelier

     

                          Blanche Gardin                       Nathalie Cerda                                    Cécile Camp                      Philippe Herisson

La bibliothécaire Madeleine Maury : Blanche Gardin

Cécile Denoël : Nathalie Cerda

Jeanne Loviton : Cécile Camp

L'éditeur Robert Denoël : Philippe Herisson

Le commissaire de police : Hervé Briaux

L'avocat Raymond Rosenmark : Claude Lulé

Samy : Michaël Abiteboul

Bertrand : Stéphan Wojtowicz

 

Du 4 au 8 : onzième édition du Festival du Film de Télévision à Luchon. Dans la catégorie « Téléfilms unitaires de 90 minutes » en compétition, figure le téléfilm de Denys Granier-Deferre : Les Livres qui tuent. Dès le 3 février, René Rettig faisait remarquer, sur son blog, que Jean-Pierre Guérin, producteur du téléfilm, est membre du jury. Quant à Serge Moati, le nouveau président du festival, il est co-producteur du téléfilm Adieu, De Gaulle.

Le 7, un chroniqueur écrit sur le site de Télé 2 semaines : « A quelques heures de la clôture du festival de Luchon, un rapide bilan permet de constater que plus que jamais, la fiction française marque une tendance qui confine à l'obsession, à regarder dans le rétroviseur. » En effet, sur les neuf téléfilms nominés, un seul raconte une histoire de notre époque.

Le 8 : Le jury, présidé par Claude Lelouch, a récompensé une fiction historique « unanimement applaudie » : Adieu De Gaulle de Nathalie Hertzberg et Laurent Herbiet. Le prix du meilleur scénario est décerné à Jean-Claude Grumberg pour Les Livres qui tuent.

     Jean-Claude Grumberg

Auteur, adaptateur, scénariste, Jean-Claude Grumberg est né le 26 juillet 1939 à Paris. En 1943 son père et son grand-père, arrêtés par la police française et internés à Drancy, sont morts en déportation. Il exerce plusieurs petits métiers (tailleur pour dames, vendeur, représentant) avant d'intégrer en tant que comédien, en 1962, la compagnie Jacques Fabbri.

Il aborde l'écriture théâtrale en 1967, puis écrit des scénarios pour le cinéma, dont celui du Dernier Métro de François Truffaut en 1980. En 1988 il reçoit le Molière de la meilleure adaptation théâtrale pour Mort d'un commis voyageur d'Arthur Miller, en 1991 le Molière du meilleur auteur dramatique pour Zone libre, en 1999 le même prix pour L'Atelier, en 2003 le César du meilleur scénario pour Amen de Costa Gavras.

Le site du Théâtre du Rond-Point annonce que Grumberg se verra remettre, le 31 mars, au Théâtre Cameri de Tel Aviv, le prix artistique de la Fondation France-Israël 2009 dans le cadre des représentations croisées franco-israéliennes de sa pièce Vers toi terre promise, pièce représentée en hébreu au théâtre du Rond-Point, le 2 avril prochain.

Le 12 : Le Nouvel Observateur publie le texte d'un long entretien accordé à Odile Quirot par Jean-Claude Grumberg, dont le thème central est sa pièce Vers toi terre promise, mais où une autre création récente est évoquée : « Je viens aussi d'écrire pour la télévision Les Livres qui tuent, une sorte d'enquête sur l'assassinat, resté mystérieux, de Denoël en 1945. Il fut l'éditeur de Céline, et de ce George Montandon exécuté en 1944 dont je parle dans Mon père. Inventaire. Les livres destinés à nous tuer ont fini par tuer Montandon, Brasillach... et Denoël, à mon avis. »

 

Mars

 

Le 27 : Vente aux enchères d'éditions originales d'auteurs surréalistes à l'Hôtel Drouot par l'expert Claude Oterelo. Sous le n° 312 du catalogue figure un des 10 exemplaires sur papier rose réservés à l'auteur de Grains et issues portant le n° I. Tristan Tzara l'a dédicacé « A M. R. Denoël avec toute la sympathie de Tristan Tzara 5 mars 1935 ».

C'est un volume qui provient sans doute de la bibliothèque de la veuve de l'éditeur, tout comme deux volumes de Joë Bousquet dédicacés à Robert Denoël.

Le 31 : La chaîne de télévision suisse TSR2 programme à 20 heures 35 le téléfilm « Les Livres qui tuent » :

 

Parution de Archives de la vie littéraire sous l'Occupation, sous la direction de Robert O. Paxton, Olivier Corpet et Claire Paulhan aux Editions Tallandier et de l'IMEC. Ce volume de 446 pages a été réalisé à la suite de l'exposition « A travers le désastre. La vie littéraire française sous l'Occupation » au Mémorial de Caen, du 13 novembre 2008 au 3 janvier 2009.

Certaines vitrines figurant à l'exposition n'ont pas été reproduites dans l'ouvrage, notamment le document ci-dessous, qui a été placé par l'IMEC, le 30 septembre 2009, sur l'Internet sous la forme d'une « application flash », c'est-à-dire une sorte de vidéo interactive.

 

Le carton qui lui est accolé indique : « Réunion du Groupe Collaboration à l'Opéra de Paris. On reconnaît parmi les présents : Robert Denoël, Marcel Jouhandeau, Ramon Fernandez... »

Robert Denoël, qui n'a jamais fait partie du « Groupe Collaboration », ne figure pas sur ce cliché. L'auteur du montage a veillé à ce qu'il soit présent, directement ou indirectement, à plusieurs reprises dans cette vitrine dont le titre est : « Séductions de la collaboration intellectuelle » : une photo de l'éditeur à son bureau, « peu de temps avant la guerre, 1939 » [en fait : une photo prise en février 1938], un exemplaire des Décombres (1942) et de L'Ecole des cadavres (1942), une lettre de Céline à Karl Epting (15 avril 1942) lui demandant du papier pour réimprimer ses livres, un numéro de La Chronique de Paris (avril 1944) contenant une étude du même Epting sur Céline, une photo représentant Lucien Rebatet dédicaçant Les Décombres à la librairie Rive Gauche, le 3 octobre 1942.

Un visiteur non averti ne pouvait échapper au message subliminal : la collaboration dans l'édition parisienne était représentée par le Belge Robert Denoël, éditeur de Céline et de Rebatet.

 

Avril

 

Le 1er : Une journaliste suisse rend compte sur son blog de Les Livres qui tuent qu'elle a vu la veille sur la chaîne TSR2 - on ignore pourquoi Antenne 2 ne s'est pas réservé la primeur du téléfilm qu'elle a financé - et se dit « éblouie, admirative et toute chamboulée ». Elle a découvert, avec le héros, que Denoël avait publié des livres antisémites et que son assassin ne serait jamais découvert « parce que c'est tout simplement un résistant qui s'est fait justice au passage ». Elle apprend encore qu'un de ces auteurs antisémites, George Montandon, était d'origine suisse et qu' « il y a des rues et des parcs à son nom en Suisse », assure-t-elle.

Le 25 : Mise en vente d'une nouvelle édition du libelle antisémite de Lucien Rebatet, Les Tribus du cinéma et du théâtre, par les Editions de la Reconquête. La première avait été publiée en mars 1941 par Robert Denoël à l'enseigne des Nouvelles Editions Françaises.

Le 27 : Mise en vente à l'Hôtel Drouot d'un exemplaire du service de presse de Le Premier accroc coûte deux cents francs dédicacé amicalement à Jean Cocteau. Estimé 60 à 80 euros, le volume en a réalisé 300.

 

Juin

 

Le 3 : Projection, « en avant-première », du téléfilm Les Livres qui tuent à l'Hôtel de Massa, 38 rue du Faubourg Saint-Jacques, dans le XIVe arrondissement, siège de la Société des Gens de Lettres. L'agenda de l'Hôtel de Massa annonce, dès le mois de mai, que la projection qui débute à 20 heures sera suivie d'un dialogue entre Denys Granier-Deferre, réalisateur, et Jean-Claude Grumberg, scénariste, mené par Catherine Borgella, administratrice de la Société des Gens de Lettres.

Le 4 : Philippe Madelin, qui a assisté à sa projection la veille, rend compte du « DocuDrama » Les Livres qui tuent qui, écrit-il, s'appuie sur les éléments d'enquête connus et « sur un livre écrit par Mme Cécile Denoël, épouse légitime et évincée ».

Le néologisme docudrama [abréviation de documentaire dramatisé] signifie une fiction cinématographique dont le thème s'inspire d'événements réels et dans laquelle figurent éventuellement des images documentaires.

Comme le journaliste renvoie à un article que j'ai rédigé naguère pour Le Bulletin célinien et qu'on trouve aujourd'hui sur le site http://louisferdinandceline.free.fr/, où je rendais compte du livre de Louise Staman, With the Stroke of a Pen, je suppose que Philippe Madelin l'a lu distraitement et qu'il a confondu épouse et biographe.

L'explication la plus convaincante de l'assassinat de l'éditeur, explique-t-il ensuite, est celle d'une exécution sommaire exécutée par vengeance par un ancien résistant de confession juive. Quant à la programmation du téléfilm sur Antenne 2, elle n'est pas encore déterminée : « A l'automne, peut-être... »

Philippe Madelin a, dès le 18 juin, modifié son article et restitué à Louise Staman ce qui lui revenait.

Le 14 : Journée du patrimoine en France. Dans les Alpes de Haute-Provence, à Seyne-les-Alpes, on visite les lieux où vécut Jean Proal, notamment le village de Sainte Rose où il passa son enfance.

 

Juillet

 

Le 7 : Dispersion à l'Hôtel Drouot de la bibliothèque littéraire [579 numéros] de Lucien Descaves provenant des collections de Lucien Max et Jean-Claude Descaves. Deux ouvrages dédicacés retiennent l'attention :

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La dédicace sur un exemplaire de presse de Guignol's Band [1944] atteste du refroidissement des relations entre les deux écrivains depuis la parution des pamphlets antisémites de Céline. Celle de Valéry, apposée sur un exemplaire du service de presse de Les divers essais sur Léonard de Vinci paru en 1931 aux Editions du Sagittaire, évoque immanquablement un événement survenu l'année suivante : l'affaire du prix Goncourt manqué par Voyage au bout de la nuit et la furieuse polémique provoquée par Lucien Descaves.

Les collectionneurs avisés étaient au rendez-vous. Le premier volume, estimé 700 euros, en a réalisé 5 700. Le second, estimé 120 euros, a atteint 450 euros.

 

Octobre

 

Le 14 : Exposition « Benjamin Fondane. Poète, essayiste, cinéaste et philosophe », jusqu'au 31 janvier 2010, au Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy l'Asnier, dans le IVe arrondissement de Paris. Robert Denoël lui avait édité trois ouvrages : Rimbaud le voyou en 1933, La Conscience malheureuse en 1936, Faux Traité d'esthétique en 1938.

Le terme « shoah » s'est imposé en 1985 grâce à un film documentaire de Claude Lanzmann. C'est un mot hébreu qui, initialement, signifie « cataclysme », et qui, désormais, s'applique au génocide des juifs européens.

Le 19 : A l'occasion du dixième anniversaire de la mort de Nathalie Sarraute, Antoinette Fouque, directrice des Editions des Femmes, publie dans sa collection « Bibliothèque des Voix » un coffret des textes de l'auteur lus par elle-même, Madeleine Renaud et Isabelle Huppert - dont Tropismes, son premier livre publié en février 1939 par Robert Denoël.

    

Sur son blog, un chroniqueur écrit  : « Nathalie Sarraute lit de sa voix lente, détachée, un peu traînante. Avec une pointe d’accent social du siècle dernier qui n’est pas le français standard mais un usage léger de salon. Elle rythme la lecture à haute voix comme si elle désirait ralentir la pensée pour bien faire pénétrer. Massage des mots, crème des idées, huile des formules. Le vibrato de la sensation pénètre la lecture, ce qui est impossible avec le seul regard. Pour Nathalie Sarraute, les mots sont faits pour être dits. » [Fugues & Fougue, 12 novembre 2009].

Le 19 : Parution, dans la Bibliothèque de la Pléiade, d'un recueil de lettres [1907-1961] de Louis-Ferdinand Céline. C'est un volume capital pour qui veut appréhender Destouches-Céline. La période 1907-1944 a été confiée à Henri Godard, éditeur des quatre volumes parus antérieurement dans la même collection, et la suivante à Jean-Paul Louis, l'imprimeur de L'Année Céline.

Cette édition pose le problème de la publication de lettres inédites d’un écrivain contemporain. Certains autographes ont été mis en vente aux enchères et décrits, parfois longuement, par les experts. Dès 1980 j’avais publié ces extraits de lettres dans des « répertoires » appelés Tout Céline, en me limitant aux textes proposés dans leurs catalogues.

Je n’ignorais pas que certains libraires photocopiaient systématiquement les lettres qu’ils proposaient à la vente, et que ces copies se retrouvaient dans certaine institution en vue d’une éventuelle publication. Les propriétaires d’autographes se trouvaient ainsi virtuellement dépossédés de leurs acquisitions. Aujourd’hui c’est chose faite : plusieurs lettres « revues sur l’original » figurent dans l'ouvrage.

C'est le cas d’une lettre adressée le 29 août 1945 [en réalité le 8 août] à Bente Johansen, une jeune danoise qui avait sympathisé avec le couple Destouches à son arrivée à Copenhague. J’avais acquis en 1976 l’ensemble de cette correspondance directement chez la destinataire : aucun extrait n’avait donc circulé dans le commerce, sauf ceux appartenant à des lettres que j’ai proposées ensuite à la vente dans un de mes catalogues. Pourtant cette lettre se retrouve dans le volume, agrémentée d’emprunts faits à une autre lettre de la même époque, ce qui signifie que plusieurs copies ont circulé sans mon assentiment.

L’éditeur précise dans son commentaire qu’elle est inédite, qu’il en a établi le texte sur un fac-similé qui lui a été communiqué, et que cette copie porte au dos des commentaires de la destinataire, ce qui l’authentifie. Certes, mais l’autographe perd du même coup sa valeur d’inédit.

Le 21 : vente à l'Hôtel Drouot d'un exemplaire du service de presse de Tropismes, le premier livre de Nathalie Sarraute publié par Denoël en 1939, adorné d'un envoi à Henri Michaux [1899-1984]. Estimé 800/1 000 euros, le volume en a réalisé 1 600.


 

Novembre

 

Le 2 : Publication aux Editions Poètes de Brousse à Montréal d'un ouvrage au titre provocateur dû à l'écrivain et professeur québécois Jean-François Poupart, qui a pris prétexte de la célébration des cent ans de la NRF pour revenir sur ce qu'a été, pour l'institution littéraire, la « toile noire » de l'occupation, de la collaboration et de l'épuration. Cette maison d'édition créée en 2004, qu'il co-dirige, bénéficie du soutien financier du Conseil des Arts du Canada.

Sur le site « Tolérance Canada », l'auteur expose sa thèse, qui est simple : « Tout ce qui a été publié entre 1940 et 1944 à Paris de façon officielle le fut avec l'accord de la censure nazie. Ce qui implique particulièrement les célèbres auteurs de chez Gallimard, Albert Camus et Jean-Paul Sartre. J'ai seulement voulu replacer des faits vérifiables et précis dans un océan de ouï-dire, de fabrication, de révisionnisme, de désinformation et, parfois, de propagande... Ce bref essai est plus un pamphlet qu'une étude exhaustive sur les sympathies fascistes des années 1930. Gallimard est un fleuron, à plusieurs titres, de l'édition, de la littérature et de la pensée française du 20e siècle. Il est important de comprendre que le fascisme européen des années 1930 n'aurait pu s'étendre aussi rapidement sans le contrôle des médias qui sont alors à leurs premiers balbutiements en tant qu'outils de propagande. »

Le 26 : vente chez Sotheby's Paris d'un exemplaire alfa hors commerce [lettré « K » à la plume] de Voyage au bout de la nuit dédicacé à René-Louis Doyon, qui le céda ensuite à Paul Marteau, le fabricant de cartes à jouer Grimaud. A son retour du Danemark Céline et sa femme séjournèrent chez les Marteau à Neuilly. C'est à cette occasion que cet exemplaire fut dédicacé une seconde fois par l'auteur. Estimé 60/80 000 euros, l'exemplaire n'a pas trouvé acquéreur.

 

Décembre

 

Le 14 : Vente du manuscrit de Foudres et flèches à l'hôtel des ventes parisien Piasa : 34 pages in-4 (28,7 x 24,4), corrigées et datées « Copenhague le 21-3-47 Ryshospitalet ». Céline y travaillait lorsqu'il fut arrêté, le 17 décembre 1945, par la police danoise. Il l'acheva en mars 1947 après son admission au Rigshospitalet, et l'offrit ensuite à Marie Canavaggia « en souvenir en cadeau affectueux en gage de mes sentiments ». Estimé 25 000 à 30 000 euros, il a atteint 35 317 euros, frais d'adjudication inclus.

 

*

 

Année denoélienne assez terne. Le téléfilm de Granier-Deferre, « Les Livres qui tuent », qui aurait pu relancer l'intérêt du public pour l'affaire de l'assassinat de l'éditeur, reste, pour des raisons inexpliquées, non diffusé. La chaîne publique m'a fait, le 23 mars 2010, cette réponse évasive : « Après vérification auprès de la direction de la programmation, j'ai le plaisir de vous informer que France 2 a bien les droits de diffusion pour ce film durant une longue période ; cependant, à ce jour, la date de diffusion n'est pas encore déterminée. » Trois mois plus tard, une société flibustière en proposait des copies téléchargeables sur l'Internet.

Et nous finirons par oublier le projet de biographie autorisée de l'éditeur, entamé en 1999, par Pascale Froment.

En revanche, Céline est admirablement servi par la publication, dans la Bibliothèque de la Pléiade, d'un choix de lettres où son premier éditeur est omniprésent. Les archives des Editions Denoël, qui furent utilisées pour la première fois en 1991, ne paraissent pas avoir servi ici.

Sur le plan commercial ce volume, qui coûte 59 euros, s'est vendu comme petits pains : 12 000 exemplaires en sept semaines. L'éditeur, en rupture de stock, annonce un nouveau tirage en janvier 2010.