Robert Denoël, éditeur

1983

 

Janvier

Le 27 : Décès de Georges Bidault à Cambo-les-Bains, des suites d'une congestion cérébrale, et inhumation au cimetière de La Celle-les-Bordes. Sa veuve, Suzanne Borel, l'y rejoindra douze ans plus tard.

                                                                 Tombe de Georges Bidault et Suzanne Borel (photo Philippe Landru)

 

Mars

 

Le 23 : Décès de l'éditeur liégeois Pierre Aelberts. Né à Anvers le 19 avril 1899, fils de typographe, il avait appris son métier dès l'âge de dix-sept ans en compagnie de l'imprimeur parisien Léon Pichon.

 

   

En 1925, il crée les Editions A la Lampe d'Aladdin, qui cessent leurs activités en 1937 et lance peu après les Editions Dynamo dont les ultimes publications datent de 1973. Multipliant les enseignes il crée encore les Editions Pierre Aelberts [1962-1983] et les Editions Nationales [1971-1982].

Esprit libre et ne tolérant aucune censure,  il aurait exposé délibérément dans sa librairie, 184 boulevard de la Sauvenière, à Liège, des ouvrages figurant sur la liste Otto, ce qui lui aurait valu d'être déporté en Allemagne au titre de travailleur obligatoire, du 10 juillet 1943 au 3 mai 1945. Libéré, il rentre à Liège où sa maison a été pillée en son absence.

Il se remet au travail et publie les premiers titres de sa célèbre collection pour bibliophiles : « Brimborions », dont le tirage est, invariablement, de 51 exemplaires numérotés : 222 titres verront le jour entre 1943 et 1973.

J'ai rencontré cet homme au profil voltairien en 1970. Je lui dois tous les rudiments de la bibliophilie et de la bibliographie. Il fut le premier à me parler de Robert Denoël, qu'il avait bien connu au début des années trente.

 

Juin

 

Le 13 : Durant trois jours a lieu à l'Hôtel Drouot la dispersion d'une partie de la prestigieuse collection du colonel Daniel Sickles, sous la direction des experts Christian Galantaris et Thierry Bodin. Deux manuscrits de Louis-Ferdinand Céline y figurent sous les numéros 79 et 95.

Le premier est celui de Mort à crédit : 1 189 pages in-folio en feuilles sous chemises et étuis, correspondant au texte publié aux pages 801-1104 de l'édition de la Pléiade. Prix d'adjudication : 510 000 francs.

Le second est celui de D'un château l'autre : 1 270 pages in-folio conservées dans un emboîtage réalisé par le relieur Henri Mercher. Manuscrit complet mais composite, comportant essentiellement des feuillets autographes, et quelque 275 feuillets de copies carbone. L'enchère finale fut de 210 000 francs.

Sous le n° 80 figurait un document fort intéressant qui fut acquis pour 58 500 francs. Il s'agissait d'un jeu d'épreuves complètes de Mort à crédit, reliées en un volume par Roger Devauchelle.

Le commentaire de l'expert est le suivant : « Avant-dernier état du roman, attesté par les " bons à tirer après corrections " donnés par Robert Denoël de cahier en cahier, lesquels montrent la part importante prise par l'éditeur dans l'établissement du texte, Marie Canavaggia se contentant généralement de reporter sur les épreuves les indications données par l'auteur ; une douzaine de feuillets autographes de la main de Céline apportant des modifications de style sont reliées face aux passages qu'elles concernent. »

Les passages obscènes censurés par l'éditeur sont encadrés au crayon bleu, avec ordre au typographe de les remplacer par un blanc intégral. Le faux-titre porte cette note autographe de Robert Denoël : « Bon après correction. Remarques : la dédicace sur une page blanche, face à la justification du tirage. Prendre sur la page de garde ou ne pas tenir compte de la page de garde pour le foliotage. Pour les passages entre crochets, laisser des blancs sans autres signes. Ces passages ne figurent que sur les Japon, Hollande et pur fil HORS COMMERCE. Pour le reste se conformer strictement à nos instructions. Paris, le 26 mars 1936. R. Denoël. Ne pas perdre un jour pour mettre sur [un mot illisible]. »