Robert Denoël, éditeur

1982

 

Septembre

 

Le 19 : Albert Morys met un point final à ses souvenirs qu'il a intitulés : « Cécile ou une vie toute simple ». Non destiné à la publication, ce récit inédit retrace sa vie avec Cécile Brusson, et fait le point sur l'assassinat de Robert Denoël.

 

Octobre

 

Le 2 : Vente aux enchères à Monte-Carlo de la correspondance inédite adressée entre 1937 et 1945 par Paul Valéry à Jeanne Loviton. Les commisseurs-priseurs associés Ader - Picard - Tajan, assistés par les experts parisiens Claude Guérin et Michel Castaing, ont détaillé ces « mille et une » lettres en 113 lots d'inégal intérêt.

 

   

 

Comme souvent chez Valéry, il appelle son héroïne de différents noms : Jean, Jasmin (à cause de sa ligne téléphonique : Jasmin 66.51), Polydore, Calypso, Lust (comme l'héroïne de Mon Faust), ou Héra.

Après le 1er avril 1945, date à laquelle Jeanne Loviton a annoncé à Valéry son intention d’épouser Robert Denoël, plusieurs lettres mentionnent l'éditeur mais sans que son nom apparaisse jamais. Il est celui par qui le malheur est arrivé. «Tu étais », écrit le poète à sa muse, « entre la mort et moi, mais hélas il paraît que j'étais entre la vie et toi. »

Dans sa préface, Pierre-Olivier Walzer, écrit : « Pourquoi livrer maintenant au hasard des enchères de tels trésors et étaler aux yeux de tous tant d'intimes secrets ? Parce qu'une vie de lutte a fait de Mme Jean Voilier une philosophe. [...] Le déchirement qu'elle éprouve aujourd'hui à se séparer de papiers éclatants de tant d'aveux et de tant de passion est à la mesure de l'espoir qu'elle peut caresser de voir son extraordinaire amour entrer, tout vif, dans la légende valéryenne. »

Ce professeur de littérature française à l'université de Berne ajoute que Mme Voilier « sait que tôt ou tard ces documents entreront dans le domaine public et contribueront à fixer l'image définitive que les générations futures se feront du poète de Mon Faust. » Malheureusement pour les générations futures, l'éparpillement de ces documents était le plus sûr moyen d'empêcher la fixation d'une telle image.

Cette vente, qui fut longtemps commentée, réalisa 1 470 000 francs, soit quelque 540 000 euros. La plupart des manuscrits furent acquis par l'université Keio à Tokyo.

Il s'est trouvé un « Bibliophile masqué » pour copier subrepticement plusieurs poèmes et lettres figurant à l'exposition de cette vente publique, et les éditer deux ans plus tard sous le manteau :

 

 

 

Cette brochure in-4 (270 x 210) de 52 pages reproduit 12 poèmes rédigés entre 1938 et 1945 et 31 fragments de lettres envoyées entre avril 1938 et juin 1945. Elle a été tirée à 125 exemplaires numérotés, hors commerce, faut-il le dire.

 

Décembre

 

Le 24 : Décès de Louis Aragon. Robert Denoël avait publié ses premiers romans dont l'un d'eux, Les Beaux quartiers, obtint le prix Renaudot en 1936.

 

     

 

Une amitié sincère paraît s'être nouée dès cette époque entre Aragon et Elsa Triolet et Robert Denoël et sa femme, amitié qui s'est traduite durant la guerre par une aide sans conditions de l'éditeur pour ses amis communistes vivant plus ou moins dans la clandestinité.

A la Libération Denoël crut pouvoir compter sur Aragon, devenu tout puissant à cette époque. Il fut déçu dans son attente mais leurs relations ne prirent pas fin pour autant puisque, le soir de l'assassinat de l'éditeur, Cécile Denoël en avertit trois personnes seulement : Maurice Percheron, Paul Vialar, et Elsa Triolet.

L'histoire de cette amitié à éclipses reste à écrire mais les documents sont peu nombreux, et les biographes d'Aragon et d'Elsa Triolet ne paraissent pas pressés de s'y intéresser.

Interrogé en août 2006, le professeur Wolfgang Babilas, qui a créé dès 1997 le site Internet le plus complet sur l'écrivain communiste, me répondit que s'il n'y avait pas encore mentionné les relations qui existaient entre Louis Aragon et  Elsa Triolet et leur « éditeur temporaire » Robert Denoël, cela s'expliquait tout simplement par son ignorance concernant ces relations.