Robert Denoël, éditeur

1973

 

Mars

 

Le 6 : Le quotidien liégeois La Meuse - La Lanterne publie sur une pleine page une interview de Cécile Robert-Denoël qui « prépare un livre de souvenirs ».

Ces « mémoires » toujours inédits sont, en réalité,  annoncés depuis 1969. Cette année-là Dominique de Roux envisageait la publication d'un livre consacré à Céline dans lequel devaient figurer quinze lettres de l'écrivain à son éditeur, la réédition d'Apologie de Mort à crédit et un texte inédit de Cécile Brusson intitulé : « Denoël jusqu’à Céline... qui lui ressemblait comme un frère ».

L'ouvrage resta à l'état de projet mais l'idée de rédiger ses mémoires fut reprise plusieurs fois. L'état de santé de Cécile ne lui permettait pas de rédiger longuement : elle les enregistra donc sur magnétophone, au cours des mois de mai 1974, et de mai et juillet 1979. Le titre choisi était « La Bâtarde », et Albert Morys s'en servit dans son recueil de souvenirs « Cécile ou Une Vie tout simple », lui aussi inédit.

Le journaliste Bernard Gheur, qui avait rencontré Cécile à Antibes, interviewa aussi Victor Moremans à Liège, lequel livra à cette occasion ses souvenirs de Robert Denoël débutant à la librairie des Trois Magots, avenue de La Bourdonnais :

« le magasin était divisé en deux : d'un côté, des abat-jour et des colifichets ; de l'autre, des livres. Très entreprenant, il liquida rapidement les colifichets et occupa les deux vitrines du magasin comme libraire. Il organisa au sous-sol des expositions de dessins d'écrivains, ceux notamment de Jean Cocteau ».

Bernard Gheur publie ensuite un extrait de lettre de Robert Denoël qui ne figure pas dans sa correspondance adressée à Victor Moremans :

« L'histoire de ma librairie est une des plus comiques qui soit au point de vue commercial. L'installation terminée, le jour de l'ouverture, il me restait cinquante centimes en caisse. »

Le texte de Cécile Brusson, « Denoël jusqu’à Céline », rédigé en 1969 et corrigé en 1979 en vue de sa publication dans La Revue célinienne, ne vit le jour qu'en 1995, dans cinq numéros du Bulletin célinien.

Le 24 : Décès de Herman dit Armand Rozelaar. Né à Paris le 26 juillet 1903, fils de Zadok dit Jacques Rozelaar, courtier en diamants né le 29 octobre 1876 à Amsterdam et naturalisé Français le 30 janvier 1924, en même temps que son épouse, Rachel Wins, née le 6 septembre 1876 à Amsterdam.

Radical-socialiste et franc-maçon, il fut avocat au Barreau de Paris dès 1923. Lors de la promulgation des lois anti-juives, il jugea prudent de se réfugier avec sa famille à Saint-Tropez puis, après la suppression de la ligne de démarcation, en Suisse.

     Armand Rozelaar en 1963 [ coll. Françoise Rozelaar-Vigier ]

De retour à Paris à la Libération, il fut l'avocat de Cécile Denoël dans les procès qui opposèrent la veuve de l'éditeur à Jeanne Loviton. L'affaire Denoël fut celle de sa carrière et il mourut pourtant sans avoir percé le mystère de la mort de l'éditeur.

Sa fille pensait, à juste titre, qu'il avait commis une erreur d'appréciation lorsque sa consœur, Simone Penaud, l'avait prié, en décembre 1945, de ne pas faire apposer des scellés sur les lieux habités par Robert Denoël, « afin de ne pas heurter les sentiments » de Jeanne Loviton, « mortifiée par la disparition brutale de son amant ».

Rétrospectivement, il est permis d'écrire qu'Armand Rozelaar a, involontairement, dynamité le dossier qu'il allait défendre avec pugnacité durant cinq ans, et que Simone Penaud-Angelelli fut, dans cette affaire, l'âme damnée de Jeanne Loviton.

 

Juillet

 

Le 3 : L'administration du cimetière de Montparnasse transfère le corps de Robert Denoël dans une fosse commune du cimetière de Thiais.

 

 

 

Décembre

 

Le 17 : Décès à Liège de Victor Moremans et inhumation au cimetière de Sainte-Walburge. Né à Liège le 1er avril 1890, il avait fait ses études au collège Saint-Servais puis à l'Institut Zénobe Gramme de Liège. Mobilisé en 1914, il fut fait prisonnier au cours de la bataille d'Anvers, en octobre 1914, et passa quatre ans en captivité en Allemagne. En 1921 il entra en tant que stagiaire à la Gazette de Liége où il rencontra Robert Denoël, pigiste lui aussi. Dès 1923 il fut nommé chroniqueur littéraire du journal. C'était un ami sûr qui rendit compte dans ses chroniques de la plupart des livres importants publiés par Denoël entre 1929 et 1939. Durant l'occupation, il cassa sa plume et ne reprit son travail à la Gazette qu'en 1945.

 

    La tombe de Victor Moremans (photo Joseph Beaujean)