Robert Denoël, éditeur

1957

 

Janvier

 

Le 11 : sortie de presse de Trop c'est trop, un recueil d'articles et de souvenirs que Blaise Cendrars a mis au point avant d'importants accidents de santé (attaque cérébrale en juillet 1956, thrombose en janvier 1957).

 

Mars

 

Parution chez del Duca de Belada, éditeur, un roman de Paul Vialar consacré au métier d'éditeur. L'auteur [1898-1996] l'a inclus dans sa « Chronique française du XXe siècle », qui s'attache à peindre tous les milieux de la société.

A la question : « Qui avez-vous peint ? », l'auteur répond : « Personne, personne et tout le monde. Certes, il fallait au livre un personnage central puisque les tomes de cette chronique, s'ils peignent des milieux différents, le font presque toujours au travers des vocations. Personne, car un personnage de roman est toujours le résultat d'une synthèse, fait de dix anecdotes, de cent vérifications, de mille traits empruntés à la vie et non à la vie d'un seul, mais à celle de plusieurs.

Belada est donc l'histoire d'un homme possédé de son métier auquel il se donne tout entier. C'est sans doute cette passion qui l'emporte plus loin peut-être qu'il ne devrait et le mène vers une fin tragique. »

 

    

 

Dans ce roman à clef, Vialar a prêté à James Belada bien des traits de caractère de Robert Denoël, et à son égérie des singularités qui peuvent appartenir à Cécile Brusson, à Jeanne Loviton, ou même à Elsa Triolet.

Belada meurt tragiquement à la fin du livre, non pas sur un boulevard désert, mais en prison, où il se pend : « Ce n'était plus un homme de ce monde. Il ne s'est pas tué pour expier mais parce que sa vie avait pris fin. »

 

Mai

 

Le 23 : parution de Du monde entier au cœur du monde, édition définitive et complète des poésies de Cendrars parues chez Robert Denoël en mai 1944, sous un titre que l'éditeur avait alors refusé.

 

Septembre

 

Le 2 : Décès à Vence d'Albert Paraz, victime d'un infarctus. Né le 10 décembre 1899 à Constantine, en Algérie, cet original fut tout à tour journaliste, fakir, représentant, détective privé, vendeur de champignons, figurant de cinéma, etc., entre 1928 et 1936.

     

Cette année-là Robert Denoël publie son premier roman : Bitru ou les vertus capitales, refusé, selon l'expression consacrée, par la plupart des grands éditeurs parisiens dont Gallimard et Grasset. En 1937 paraît Les Repues franches et, en 1941, Le Roi tout nu qui obtient le prix Marcellin Cazes 1942.

Il avait aussi traduit de l'allemand Barrières, un roman surprenant de Marie Amon publié en mai 1939 par Denoël, que Max Jacob qualifiait de plus beau livre de l'époque. Paraz, qui avait alors besoin d'argent, avait proposé à Denoël de lui traduire des textes anglais, et il s'était vu confier le gros manuscrit de Barrières : « C'est seulement en rentrant chez lui que Paraz s'aperçut que le manuscrit était en allemand. N'importe. Ce serait une bonne occasion pour l'apprendre. La difficulté était d'éviter les rencontres avec Marie Amon qui ne parlait pas français. »

Paraz avait écrit, à propos de son éditeur : « C'était un bon négrier. J'ai connu pire. J'en ai usé dix depuis la Libération. Il se valent. » Dix ans après ses premiers essais littéraires, largement facilités par Robert Denoël, il était de bon ton de parler d'un négrier, surtout à Céline, qui lui devait, lui aussi, son premier succès éditorial.