Robert Denoël, éditeur

1923

Février

 

Le docteur Louis Destouches, qui habite alors quai Richemont à Rennes, où il termine ses études de médecine, publie dans L'Union Pharmaceutique, mensuel destiné à la profession, une communication assez singulière sur le traitement des acouphènes, c'est-à-dire les bourdonnements d'oreilles, dont lui-même est affligé depuis une blessure reçue en 1914.

Il a, apparemment, inventé un petit cornet métallique, semblable à un sifflet, qu'on maintient entre les dents et dans lequel on souffle, déclenchant une vibration de l'anche qui se trouve à l'intérieur et qui interrompt les bourdonnements durant quelques heures, parfois même définitivement, assure-t-il.

En lisant ce qu’il faut bien appeler une notice publicitaire, on ne peut s’empêcher de penser à Henry de Graffigny, le héros farfelu de Mort à crédit, inventeur durant la Grande Guerre d’un « dentier auditif » pour artilleur, qui écrivait : « Si celui-ci se bouche les oreilles, il n'entend plus les commandements. Or on n’entend pas que par les oreilles. On entend aussi par les dents et par les poils de la barbe [...] A notre sens, les artilleurs devraient porter toute leur barbe et tenir entre leurs dents pendant la manœuvre un appareil conducteur de son».

On ne sait si le jeune Destouches s'est inspiré de l'invention curieuse de Graffigny, mais la sienne ne lui a pas réussi car il a souffert de l'oreille interne jusqu'à la fin de sa vie.

 

Le 1er : Robert  Denoël est nommé caporal, grade qui lui est retiré quinze jours plus tard « pour avoir cassé ses arrêts, se croyant obligé, crainte de son père, d’assister à la prise de voile d’une de ses sœurs », selon Robert Beckers.

 

Octobre

 

Denoël prend une inscription aux cours de Philosophie et Lettres, préparatoires au Droit, à l’université de Liège. Pourquoi ce changement de cap ? Cécile écrit : « Un jour, ayant assisté à une opération grave sur un enfant, cela le toucha si profondément qu'il décida d'abandonner la médecine. Mais il fallait bien continuer ses études. Il opta pour le Droit qu'il commença étant encore sous les drapeaux. »

« Un jour, Denoël m’informa qu’il renonçait à terminer ses études de Sciences et qu’il allait, comme moi, " faire " les Lettres. Nous nous retrouvâmes, mais pas souvent, sur les bancs d’un même auditoire », écrit Georges Poulet.

A l'Hôpital militaire d'Anvers, 1923 (coll. Yves Collet)

Robert avait-il été impressionné par les réalités de la médecine, comme le croyait Cécile, ou avait-il cédé à la pression familiale où il était d’usage que l’un des enfants « fasse le droit » ? Ce qui est sûr, c’est qu’il parla plus tard à Champigny de « l’horreur du service militaire ».

 

Décembre

 

Le 4, il est démobilisé. En Belgique, à cette époque, on n’était jamais complètement quitte avec l’armée : quelle que soit l’orientation professionnelle ultérieure, elle pouvait, au cours des dix années qui suivaient son service militaire, rappeler un conscrit pour des « manœuvres ».

A ma connaissance, Denoël n’en fit pas mais, le 1er avril 1926, il fut versé au 2e Corps médical, dont la base était à Gand. Et le 15 janvier 1930, il fut nommé caporal. Ces « avancements » administratifs n’ont habituellement aucune incidence sur la vie des appelés en temps de paix.