Robert Denoël, éditeur

Denoël dans la presse

1940

 

Robert Denoël poursuit ses publications patriotiques : entre le 5 janvier et le 31 mai 1940 il publie, avec une belle régularité, 23 numéros de Notre Combat.

A partir de mars 1940 il lance une nouvelle collection : « La Guerre telle qu’elle elle ». Le premier volume - seul paru - est dû à Antonina Vallentin, pseudonyme d'Antonina Silberstein, l'épouse juive de Julien Luchaire : c'est une dénonciation des exactions allemandes en Pologne.

Les dernières pages du livre contiennent une information qui, à elle seule, justifiait son interdiction par l'occupant : la création par les Allemands de la « Réserve de Lublin », « un immense ghetto où vont se concentrer les juifs de Pologne, d'Autriche, de Tchécoslovaquie et d'Allemagne […] C'est dans un silence profond, dans une atmosphère de muette angoisse, que se poursuit l'exécution de cette phase de regroupement ethnique inventé par Hitler. »

Curieusement, peu de journaux rendent compte de ce petit livre accusateur. La Croix, qui, chaque jour, consacre une colonne aux « atrocités allemandes en Pologne », l'ignore complètement. Le Figaro est l'un des seuls à en rendre brièvement compte.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mars

 

   

                                                            Le Figaro,  9 mars 1940

 

Avril

 

C'est encore Le Figaro qui publie, le 3 avril 1940, une longue interview de Maïré Inkinen dont le livre : Une Finlandaise dans la tourmente, est sur le point de paraître chez Denoël :

Le Figaro, 3 avril 1940

 

Les conditions de publication paraissent difficiles : Le Figaro annonce, le 24 avril, que le volume est paru mais, le 1er mai, il en publie seulement les « bonnes feuilles ». Au même moment Denoël met en vente le roman de Paul Vialar, La Rose de la mer, dont l'achevé d'imprimé est du 16 janvier, puis celui de Jean Rogissart, Le Fer et la forêt, dont l'achevé d'imprimer est du 30 avril.

          

Ces ouvrages, comme celui d'Antonina Vallentin, sont édités par « Robert Denoël », dont l'adresse est celle de sa librairie, avenue de La Bourdonnais. Ce repli éditorial sur Les Trois Magots, qui dure depuis plusieurs mois, a sa raison, qui est sans doute d'ordre économique, mais je ne l'ai pas encore élucidée. Les annonces d'ouvrages nouveaux dans les journaux s'étaient raréfiées depuis le début de l'année : il n'y en aura plus une seule avant 1941.

Mai - Décembre

 

Le 11 mai, la Belgique est envahie. Denoël est mobilisé. Après un périple de trois semaines dans le midi, il rentre à Paris le 31 mai. Le 14 juin, les Allemands entrent à Paris. Le 17, ils se rendent au siège des Editions Denoël, rue Amélie, saisissent tous les tirages de la revue Notre Combat et apposent des scellés sur la maison, qui restera fermée jusqu'au 15 octobre.

Durant ces cinq mois d'inactivité forcée, Denoël travaille aux « Trois Magots » avec Madeleine Collet, sa secrétaire, Auguste Picq, le comptable, et Georges Fort, le magasinier : l'équipe restreinte gère le fonds de la librairie, dont les gérants sont rentrés en Suisse ou mobilisés. Le 15 octobre Denoël est convoqué dans les bureaux de la Gestapo, où il conclut vraisemblablement un accord avec les autorités allemandes, puisque les scellés sont levés rue Amélie, le jour même.

Quels étaient les termes de cet accord ? Auguste Picq m'écrivit que Denoël « fut mis en demeure de publier autant d’ouvrages allemands ou pro-allemands, qu’il en avait publiés d’anti-allemands, s’il voulait conserver sa liberté » mais que « les Editions Denoël, qui avaient publié soixante-six ouvrages anti-allemands, n’en publièrent que sept à la convenance des Allemands ».

Si l'on examine la chronologie des activités de l'éditeur, on remarque que, dès le 20 octobre, il modifie le nom de sa société « La Publicité vivante » qui devient les Nouvelles Editions Françaises. C'est à cette enseigne que paraissent, fin novembre, les deux premiers titres de la collection « Les Juifs en France ».

La Société des Editions Denoël est en déconfiture : « Tous les livres concernant la guerre, ou concernant l’Allemagne, ont été saisis et mis au pilon. C’est vous dire que le coup a été très dur pour moi [...] Je suis en train de négocier actuellement, afin de trouver de nouveaux capitaux, pour repartir au début de l’année prochaine », écrit-il à Jean Rogissart, le 12 décembre. Le 28, il sollicite un prêt d'un million de francs au Crédit National.

Denoël n'a littéralement plus les moyens de lancer de nouveaux livres : « Rue Amélie, c’est la maison du silence. Toute l’activité d’autrefois a disparu. Les quelques personnes qui travaillent, font des inventaires, chiffrent, établissent le bilan de la catastrophe. Je ne publie rien encore. Tout le monde vit au ralenti. », écrit-il encore à Rogissart.