Robert Denoël, éditeur

Textes et interviews

1935

 

15 juin

 

Texte paru dans la rubrique « Les livres présentés par leurs éditeurs » de la Revue Belge du 15 juin 1935. Cette revue bi-mensuelle dirigée par Pierre Goemaere et Paul Tschoffen était publiée depuis 1924 par l’éditeur bruxellois J. Goemaere. Le texte, qui figure en page 572 de la revue, est signé « Les Editeurs Denoël et Steele » mais il ne fait aucun doute qu’il est, comme pour la plupart des communications à la presse, dû à la plume de Robert Denoël.

Le premier numéro de la revue Le Document est paru le 1er octobre 1934 et Denoël en a assuré la publication jusqu'en avril 1937, avant de la céder à un autre éditeur. Le numéro spécial consacré au pape qu'il présente ici porte le n° 2 et il est paru en janvier 1935.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

30 août

 

Article signé René Barjavel paru dans Le Progrès de l'Allier, sous la rubrique « En parlant de leurs livres » et portant le titre « Dans l'arche de René Barjavel, promoteur paisible des déluges ».

Le 1er septembre Barjavel publiera dans le même journal un compte rendu de la conférence annoncée ici : on le trouvera dans la rubrique La presse.

 

« En sautant du train : Une interview-express de Robert Denoël »

La foire exposition de Vichy est inaugurée le jeudi 29 août à 15 heures par MM. Lamoureux, député de Lapalisse, et Léger, maire de Vichy. Outre ces fêtes, le comité organise une série de conférences dont la première aura lieu demain soir vendredi, à 20 heures 30, à la Salle des Fêtes. Robert Denoël, le jeune et célèbre éditeur de la firme Denoël et Steele traitera « Les Auteurs et leurs Editeurs ». La conférence, truffée d'anecdotes amusantes attirera certainement plus d'auditeurs que n'en peut contenir la salle.

Nous sommes allés, avec des amis qui le connaissent, attendre Denoël à la gare. Je ne l'avais jamais vu. Mais quand il est apparu au bout du passage, après deux voyageurs de commerce, une vieille dame, un jeune homme timide et une fille en cheveux, j'ai été le premier à dire « le voilà ». Robert Denoël, en effet, est un homme qui répond exactement à l'idée qu'on peut se faire de lui.

Quand on connaît ce qu'il a accompli depuis quelques années dans le monde de l'édition, on sait très bien qu'il ne peut pas ressembler à un bureaucrate et qu'il ne doit être ni malingre ni perclus. Or c'est un grand gars costaud qui nous tend la main en souriant, un homme solide, bien équilibré, et sympathique comme la vie des champs.

Nous allons classiquement nous asseoir devant une table de café, pour une interview-minute. Mais, que lui demander ? Il serait si simple, et tellement plus agréable, de bavarder, sans penser à ce sacré métier. Il attend, en souriant toujours, ma première question. Ses yeux, derrière ses claires lunettes, sont-ils bleus ou sont-ils verts? Ça doit dépendre de la pluie et du beau temps.

- De quoi parlerez-vous dans votre conférence, vendredi soir ?

- Je veux simplement expliquer aux gens ce que c'est qu'un éditeur. Ils ne le savent pas bien.

- Ils vous prennent pour des imprimeurs...

- Oui, ou bien ils se demandent quel est ce louche intermédiaire qui vient se placer entre les auteurs et le public. Je veux aussi, et surtout, raconter un tas d'histoires amusantes sur les rapports plus ou moins tendres qui existaient entre les grands écrivains, tels que Balzac, Hugo, etc., et leurs éditeurs. Et je parlerai peut-être de quelques grands éditeurs contemporains, dont les noms sont dans toutes les bouches.

- En somme, vous allez ouvrir pour nous une grande porte sur le monde du livre. Vous étiez d'autant mieux qualifié pour le faire que vous avez dans ce monde, jeté quelque perturbation par votre audace et votre... discernement. Et que nous préparez-vous pour la prochaine « saison littéraire » ? Avez-vous des candidats au Goncourt ?

- Oui, toujours notre même équipe. Nous allons cependant en lancer prochainement un nouveau, un jeune de vingt-deux ans, plein de génie : Luc Dietrich, dont nous publierons Le Bonheur des Tristes. Et enfin, le gros événement de la saison ce sera le nouveau livre de Céline : Mort à Crédit, un imposant bouquin de 600 pages !»

En achevant mon verre, je me demande quel âge peut bien avoir Denoël. Certes il a quelques cheveux blancs, mais ils sont bien rares, et la jeunesse qu'il possède, on sent qu'elle ne le quittera pas, même lorsqu'ils seront la majorité ou l'unanimité. Car la jeunesse est une qualité de l'esprit plutôt qu'une fraîcheur des muscles, et ceux qui l'ont encore à leurs trente ans ne s'en débarrassent plus si facilement.

Or ne fallait-il pas avoir toute l'audace de la jeunesse en même temps qu'une curieuse intelligence des réactions du public pour lancer « Le Voyage au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline ?

C'est également la maison Denoël et Steele qui a lancé Philippe Hériat, Charles Braibant, Eugène Dabit, etc... Ce sont là des noms qui dominent la production contemporaine, des sommets. Et quand un éditeur réunit en si peu d'années une telle collection de semblables valeurs, on peut être sûr de sa valeur à lui.

C'est pourquoi j'engage vivement mes lecteurs à venir entendre sa conférence ce soir, vendredi, à 20 heures 30, à la salle des fêtes. Ils n'auront pas souvent l'occasion d'entendre un orateur si qualifié parler d'un sujet aussi intéressant et qu'il connaisse si bien.

René Barjavel