Robert Denoël, éditeur

Les Nouvelles Editions Françaises

 

A la suite du changement de nom de la La Publicité Vivante en Nouvelles Editions Françaises, le 20 novembre 1940, la société publicitaire de Robert Denoël s'est transformée en maison d'édition mais aucune modification n'est intervenue dans son capital initial de 25.000 francs, ni dans la répartition de ses 50 parts sociales, qui sont toutes détenues par l'éditeur (son beau-frère, Billy Fallon, en possède 18, mais il n'est qu'un prête-nom).

La cote 275 126 B attribuée le 18 octobre 1937 au greffe du Tribunal de commerce de la Seine à la société originelle est donc restée inchangée, ainsi que son siège social qui est 19 rue Amélie.

Denoël possède à ce moment en nom propre trois sociétés d'édition :

* Les Editions Denoël, 19 rue Amélie, au capital de 365 000 F dont il détient toutes les parts soit 730, moins 5 attribuées à deux prête-noms [R.C. 244 131 B].

* Les Editions La Bourdonnais, 60 avenue de La Bourdonnais, qui dépendent de la Société « Aux Trois Magots », au capital de 45 000 F dont il détient toutes les parts [R.C. 219 965 B].

* Les Nouvelles Editions Françaises, 19 rue Amélie, au capital de 25 000 F dont il détient toutes les parts soit 50, moins 18 attribuées à un prête-nom [R.C. 275 126 B].

On trouvera à leur page respective le bilan des deux autres maisons d'édition.

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Le 23 novembre 1940 une cession de parts est intervenue entre Auguste Picq, le comptable des Editions Denoël, et Billy Fallon, absent et représenté par procuration par Robert Denoël, son beau-frère.

Billy Fallon lui a cédé les 18 parts qu'il détient [fictivement] dans la société pour la somme de 4 500 F, soit à la moitié de leur valeur nominale. Une clause prévoit que Picq « aura droit aux revenus  et bénéfices afférents à ces parts du 1er janvier 1940 jusqu'à ce jour », ce qui est sans conséquence car la petite société n'a dégagé aucun bénéfice durant l'année 1940.

La répartion des 50 parts sociales est la suivante à cette date :

- Robert Denoël : 32 parts de 500 F chacune, soit 16 000 francs

- Auguste Picq : 18 parts de 500 F chacune, soit 9 000 francs

 

[Acte passé devant Georges Hagopian, 24 rue de Bondy à Paris 10e, et enregistré le 17 décembre 1940 au greffe du Tribunal de commerce de la Seine sous la cote n° 214]

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Le 23 janvier 1941 est constituée une association en participation entre Robert Denoël, gérant de la Société des N.E.F., et Marguerite Pauline Bagnaro, veuve Constant, dite « de Kéan », femme de lettres demeurant à Paris, 175 rue Legendre (XVIIe).

L’association a pour objet l’édition, le lancement, la mise en vente, de l’ouvrage de Louis-Ferdinand Céline intitulé : « Les Beaux Draps », et toutes opérations commerciales se rapportant à ce qui précède.

La présente association est contractée pour une durée de trois années à partir du 20 janvier 1941. Le siège de l'association est : 19 [corrigé en : 21], rue Amélie à Paris.

Le capital comprend 10 parts d’une valeur nominale de 1 000 francs qui sont attribuées aux associés dans les proportions fixées ci-après. :

* Marguerite Bagnaro apporte la somme de 3 000 francs.

* Robert Denoël apporte ses connaissances en matière d’édition, et le contrat d’édition du livre ci-dessus, qui sont évaluées à 7.000 F

[Acte passé devant Georges Hagopian, 24 rue de Bondy à Paris 10e, et enregistré le 30 janvier 1941 au greffe du Tribunal de commerce de la Seine sous la cote n° 2227]

 

A la même date, une délibération de la main de Robert Denoël indique :

« Madame Vve Constant a versé ce jour en compte courant une somme de cent mille francs en bons d’armement à échéance du 3 août prochain. Cette somme, inscrite dans nos livres, portera intérêt à raison de 6 % pour l’an (six pour cent). Le remboursement de cette somme sera à la disposition de Madame Constant à dater du 25 mai prochain par tiers, pour le remboursement total à échoir le 25 juillet prochain. Les intérêts seront payables à la même date. »

Une « deuxième délibération » précise :

« Il a été décidé que M. Denoël aurait le droit de régler dès que la chose serait nécessaire :

1° les droits d’auteur de Louis-Ferdinand Céline.

2° les achats de papier

3° la facture de l’imprimeur jusqu’à concurrence de la totalité des montants du compte courant de Mme Vve Constant ».

Au greffe du Registre de commerce, la page analytique de la société ne mentionne qu'une seule adresse légale : 19 rue Amélie. Pourquoi Denoël la transfère-t-il par subterfuge au n° 21, on l'ignore, mais il ne peut s'agir d'une mesure visant à pallier la fermeture par l'Occupant de sa maison d'édition, puisque les scellés posés sur les Editions Denoël ont été levés le 15 octobre 1940.

L'association Denoël-Bagnaro devait durer trois ans à dater du 20 janvier 1941 : elle sera dissoute le 6 mai 1942 par un acte S.S.P. enregistré le 5 juin 1942 au greffe du Tribunal de commerce de la Seine sous la cote n° 163 [c'est un document dont je n'ai pas copie mais qui est attesté par le comptable, Auguste Picq]. A la différence de bien des prête-noms figurant sur des actes officiels, Marguerite Bagnaro fut une véritable bailleresse qui a confié son argent à l'éditeur et qui en a été rétribuée.

C'est vraisemblablement en décembre 1941 que le comptable a établi un bilan détaillé des ventes du livre de Céline, dont l'éditeur n'a plus d'exemplaires en stock. Le retirage suivant n'aura lieu qu'en mars 1942.

 

Les Nouvelles Editions Françaises subsisteront jusqu'en 1944 pour des questions d'attribution de papier - à un seul livre : Les Beaux Draps, dont le dernier retirage date du 27 octobre 1943. Les quatre libelles antisémites parus en 1940 et 1941 n'ont jamais été réimprimés.

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On a lu plus haut qu'à la date du 23 novembre 1940, les 50 parts sociales de la Société des N.E.F. étaient détenues par Robert Denoël (32 parts) et Auguste Picq (18 parts). L'association provisoire Denoël-Bagnaro n'a rien modifié à cette répartition puisqu'elle a été dissoute le 6 mai 1942.

Or le 8 mai 1944, des modifications importantes ont eu lieu, qui montrent que Denoël et Picq ont cédé leurs parts à Albert Morys et Maurice Percheron par des actes s.s.p. dont je n'ai pas copie, mais leur distribution indique clairement comment l'opération eut lieu.

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Le 16 mai 1944, Maurice Bruyneel [Albert Morys] et Maurice Percheron, agissant tous deux en qualité de seuls membres de la s.a.r.l. « Les Nouvelles Editions Françaises », et Robert Denoël, gérant de la société, ont convenu ce qui suit :

* Robert Denoël, par suite de la cession de toutes ses parts à Albert Morys, ne fait plus partie de la Société des N.E.F. et donne, à dater de ce jour, sa démission de gérant. C'est Morys qui en assumera désormais seul la gérance.

* Les associés décident que le siège social de la société est transféré, à dater de ce jour, du 21 rue Amélie, à la rue Pigalle n° 5.

[Acte passé devant Georges Hagopian, 24 rue de Bondy, Paris 10e, enregistré le 13 juin 1944 au greffe du Tribunal de commerce de la Seine sous la cote n° 5131]

 

Albert Morys, prête-nom de Denoël, possède alors ses 32 parts, tandis que Maurice Percheron détient les 18 parts d'Auguste Picq, autre prête-nom de Denoël. Le siège social de la société est transféré au domicile d'Albert Morys, mais le lieu d'exploitation reste provisoirement au 21 rue Amélie.

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Le 12 septembre 1944 Albert Morys, gérant de la société, déclare que le lieu d’exploitation des Nouvelles Editions Françaises a été transféré à dater du 11 septembre 1944, de la rue Amélie 19 à Paris, à la rue Pigalle n° 5 à Paris 

[Acte passé devant Georges Hagopian, 24 rue de Bondy, Paris 10e, enregistré le 13 septembre 1944 au greffe du Tribunal de commerce de la Seine sous la cote n° 230]

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Le 14 novembre 1944, les deux associés dans la Société des Nouvelles Editions Françaises décident de modifier la dénomination de la société qui devient : « Les Editions de la Tour ».

[Acte passé devant Georges Hagopian, 24 rue de Bondy, Paris 10e, enregistré le 16 novembre 1944 au greffe du Tribunal de commerce de la Seine sous la cote n° 9184]

 

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Ainsi s'achève la carrière subreptice et peu glorieuse des Nouvelles Editions Françaises. La suite des modifications administratives se trouve sur la page des Editions de la Tour.