Robert Denoël, éditeur

Gustave Pavard

Concierge du 142 bis rue de Grenelle, immeuble faisant face au boulevard des Invalides.

Dans son rapport du 25 janvier 1946, l’inspecteur Ducourthial écrit :

« Par la suite, nous recueillions les témoignages du concierge et d’un locataire du 142 bis de la rue de Grenelle, immeuble faisant face au boulevard des Invalides, qui nous déclarent :

M. Pavard Gustave, âgé de 58 ans, concierge,

« Le dimanche 2 décembre, je me trouvais dans ma loge lorsque, vers 21 h. 20, j’entendis une détonation et un cri provenant du dehors.

Intrigué, je sortis aussitôt et dans la rue, je remarquai plusieurs personnes rassemblées autour du corps d’un homme allongé sur le trottoir d’en face.

En sortant, je n’ai vu personne s’enfuir, soit dans une direction, soit dans une autre. »

Deux occupants de cet immeuble situé à quelques mètres de l'endroit où est tombé Denoël ont été témoins de l'attentat : le colonel L'Hermite, qui habite un appartement du 6e étage, et Gustave Pavard dont la loge de concierge est au rez-de-chaussée.

Pavard est donc le témoin le plus proche des lieux du crime, et il s'y est rendu immédiatement après le coup de feu. Ce n'est pas le cas du colonel en retraite qui a assisté à la scène du haut de l'immeuble.

L'inspecteur Ducourthial interrogera une seconde fois Jean L'Hermite, « qui ne peut se montrer affirmatif en raison du doute semé dans son esprit par la question » (laquelle ?), mais pas Gustave Pavard.

En février 1950, alors que tous les journaux évoquent depuis un mois la reprise de l'enquête, Pavard est entendu par l'inspecteur Voges. A-t-il compris qu'il était le premier témoin du meurtre, et ne veut-il pas endosser cette responsabilité ? Toujours est-il qu'il change radicalement de version : « j’étais seul dans ma loge, lorsque j’ai entendu un bruit sec, comme celui d’un éclatement de pneu et je n’y ai attaché aucune importance. Un peu plus tard, mon attention a été attirée par les mouvements inusités de la rue, à cette heure-là, principalement le dimanche.

Je suis sorti, j’ai remarqué un attroupement sur le trottoir de gauche du boulevard des Invalides, j’ai traversé la rue de Grenelle pour me rendre compte de ce qui se passait. Avant d’arriver, j’ai remarqué la présence d’un homme étendu par terre sur le dos, à environ 2 mètres en retrait du trottoir, autour duquel une quinzaine de personnes se trouvaient. [...]

Je tiens à préciser que je ne suis pas sorti tout de suite après le bruit assez violent que j’ai entendu, ayant d’abord cru à l’éclatement d’un pneu ou à des ratés d’allumage d’une voiture automobile. Ce n’est que lorsque j’ai entendu un va et vient dans la rue que je suis sorti. »

Le concierge tient à préciser qu'il n'a vu, et assez tardivement, qu'un attroupement d'une quinzaine de badauds autour du corps de l'éditeur. Gustave Pavard, sans le vouloir, fausse complètement l'enquête. Le sens de cet «attroupement » près de l'éditeur moribond n'est pas le même si on le situe immédiatement après le coup de feu, ou « un peu plus tard ».