Robert Denoël, éditeur

2005

 

Février

 

Parution aux Editions e-dite de la traduction française de la biographie romancée de Robert Denoël par Louise Staman. Due à Julien et Benjamin Guérif qui l'ont signée du pseudonyme Jean-François Delorme, elle s'écarte sensiblement de la version originale [voir 2002], notamment pour ce qui concerne le rôle occulte assigné par l'auteur à Gaston Gallimard.

 

   

Vitrine des Editions e-dite à Paris le 12 mai 2005  (photo Mike Staman)

En visite à Paris en décembre 2013 Louise Staman s'est (modérément) inquiétée du sort de son éditeur français : il avait mis la clé sous la porte.

Vitrine des Editions e-dite à Paris le 25 décembre 2013  (photo Mike Staman)

 

Le 10 : Décès d'Evelyne Pollet à Anvers. Née le 12 août 1905 dans la même ville, elle avait publié son premier roman, La Bouée, à l'âge de dix-neuf ans. Elle devint en 1933 la maîtresse de Louis-Ferdinand Céline, à qui elle demanda à plusieurs reprises d'intercéder auprès de Robert Denoël pour qu'il publie différents manuscrits, sans succès.

  

                                      Evelyne Pollet en 1964                                                     Poème dédié à Louis-Ferdinand Céline, 1958

 

Ce n'est qu'en 1939 que Denoël accepta d'éditer Corps à corps, un roman qui ne parut, sous le titre de Primevères, qu'en septembre 1942. L'année suivante elle lui proposa Rencontres, un roman dont elle pensait, avec raison, qu'il était son meilleur livre et que, pour une raison inconnue, il n'eut pas le temps de mettre en chantier.

   

 

Le roman, qui transpose assez fidèlement la relation amoureuse d'Evelyne Pollet et de Louis-Ferdinand Céline, parut finalement à Bruxelles en 1956 sous le titre Escaliers.

 

Mars

 

Le 17 : Jean-Christophe Pichon, éditeur du livre de Louise Staman, participe à une émission radiophonique en direct du Salon du Livre à Paris, et présente l'ouvrage comme «un brûlot traitant de la période de la Collaboration et du monde de l'édition ».

 

Mai

 

Le 10 : « Voyage au bout d'une vie », émission radio d'Alexandre Héraud, Simon Guibert et Yvon Croizier sur France Culture, avec la participation de Louise Staman et de son éditeur, Jean-Christophe Pichon.

E-dite étant surtout un éditeur de romans policiers, plusieurs journaux rendent compte du livre dans ce sens : «Ça se lit comme un polar » [La Griffe Noire] ; « Louise Staman mène l'enquête comme dans les meilleurs polars» [Le Point]. L'accueil fait au livre est généralement bon et plusieurs journalistes et libraires en font leur « coup de cœur du mois ».

Du 19 au 22 : Au cours de la 17e Foire internationale du livre ancien à la Maison de la Mutualité, 24 rue Saint-Victor à Paris, a lieu une exposition des Trésors de la Bibliothèque d'Albi, où est présenté un tapuscrit de Mort à crédit, avec des annotations de l'auteur.

La notice du bibliothécaire explique que c'est un peu par hasard que ce document important est entré dans les collections albigeoises : « Le 27 décembre 1969, le libraire tarnais Pierre Laleure, établi à Ambialet, propose par courrier à Paule Masson, conservatrice, de donner à la bibliothèque deux lettres manuscrites de Louis-Ferdinand Céline et le tapuscrit de Mort à crédit, annoté par l'auteur. C'est chose faite le 26 juin 1970, date où le tapuscrit est inscrit à l'inventaire des collections sous le n° 41539.

Pierre Laleure avait travaillé dans les années trente comme jeune ouvrier typographe chez Denoël, alors éditeur de Céline. Il avait conservé chez lui ce document de travail et, peu avant sa mort, avait souhaité le céder à une collection publique. A l'époque, le don s'est fait en toute discrétion.

Ce document permet de découvrir tout le travail minutieux de l'auteur : homme très brouillon - voir les empreintes de pouce dans les marges - Céline corrige jusqu'à la dernière minute les épreuves du texte, notamment la ponctuation et les majuscules. Toutes les pages contiennent plusieurs dizaines de corrections à l'encre noire de son écriture vive. [...] Les corrections des ouvriers typographes, dont le nom apparaît en tête de cahier en haut à gauche, sont elles apportées à la mine de plomb. »

La description de ce tapuscrit indique qu'il s'agit d'une ultime version corrigée par Céline. Pourquoi se trouvait-elle chez Pierre Laleure et non dans les archives de l'éditeur ? Deux autres « documents de travail » céliniens avaient figuré jadis dans la collection Laleure : un jeu d'épreuves incomplet et une couverture datée 1944 de Scandale aux abysses, dont l'édition n'avait jamais été terminée [cf. 1943], et le brouillon manuscrit d'un article de Robert Denoël : « Comment j'ai connu et lancé Louis-Ferdinand Céline » [cf. 1999] .

Le 3 novembre 1979 Pierre Laleure m'écrivait : « Contrairement à ce que vous semblez croire, je n'ai pas fait partie de " l'équipe Denoël " pendant la guerre mais aussitôt après. Au moment où j'y suis entré - fin octobre 1945, autant qu'il m'en souvienne - Denoël avait été écarté de sa maison pour les raisons que vous savez et un administrateur provisoire avait été nommé en la personne de Maximilien Vox.

Robert Denoël espérait bien reprendre la direction de son affaire après s'être justifié devant un comité professionnel qui faisait plus ou moins office de tribunal, et il avait gardé toutes sortes de rapports avec ses collaborateurs et la nouvelle administration. En somme il surveillait sa maison sans s'y montrer, et l'on m'avait dit qu'il désirait me connaître : je m'attendais donc à lui être présenté, mais c'est à ce moment-là, une quinzaine de jours il me semble après mon arrivée, qu'il a été assassiné. Je ne l'ai donc jamais vu. »

Son témoignage est sans ambiguïté : typographe engagé rue Amélie quelques semaines avant la mort de l'éditeur, Pierre Laleure n'a jamais été mêlé à la composition de Scandale aux abysses et moins encore à celle de Mort à crédit. D'autre part, il n'a pas offert le tapuscrit de Mort à crédit à la bibliothèque d'Albi « peu avant sa mort» mais près de trente ans plus tôt puisqu'il est mort à Albi le 29 mars 1999.

Il avait, m'écrivait-il, bien connu « la veuve d'un ancien camarade » ayant travaillé chez Denoël, qui avait quitté la région d'Albi et avec laquelle il avait perdu tout contact, mais dont il était sûr qu'elle ne possédait plus rien de propre à m'intéresser. Laleure était libraire : il avait donc fait l'inventaire de la collection de cette voisine.

Cela nous renvoie peut-être aux mémoires inédits de Maximilien Vox [cf. Notices biographiques] qui écrivait qu'à son arrivée rue Amélie, début novembre 1944, il avait trouvé une maison d'édition « passée à l’aspirateur »...

 

Juin

 

Le 9 : « Peut-on tout publier aujourd'hui en France ? », article de Frédérick Casadesus dans la revue Réforme, que l'auteur présente comme des « propos recueillis » de l'auteur de Assassinat d'un éditeur à la Libération.

Louise Staman, qui n'a jamais rencontré Casadesus, croit qu'il a « recueilli », en les controuvant à plusieurs reprises, les paroles qu'elle a prononcées durant l'émission radio « Le Vif du sujet ».

Le 19 : « Cosmopolitaine », émission radio sur France Inter, dont la seconde partie est consacrée au reportage de Xavier Pestuggia : « La Mort de Robert Denoël ». Interviews de Dominique Rolin, Jean-Christophe Pichon, Henri Thyssens.

 

Juillet

 

Le 23 : Emission sur Radio-Courtoisie au cours de laquelle Jean-Christophe Pichon et Jean-Pierre Deloux prennent la parole à propos du livre de Louise Staman.

 

Septembre

 

Le 1er : « Comment l'élimination de Robert Denoël devient un scénario de série B », article d'Alain Dugrand dans le Figaro littéraire qui constitue un éreintement en règle du livre de Louise Staman :

« Il s'est trouvé un éditeur pour publier une manière de récit ' people ' du meurtre de Denoël. L'auteur, une dame américaine ' diplômée de français ', A. Louise Staman, relate, dans la pire confusion qu'il soit donné, un scénario de série B, lourde version de l'amant cocu et, qui sait, peut-être éliminé par des concurrents marris de ses succès de papier. Oubliés les travaux subtils de Gérard Loiseaux, La Littérature de la défaite et de la collaboration (publication de la Sorbonne), place à Betty Boop et ses chauffeurs d'Hispano Suiza en livrée. Dans cette version française édulcorée, la dame accumule ragots, caricatures, insinuations et laideurs [...] Abominablement traduit, cet ouvrage est une mauvaise action. Il n'empêche, des folliculaires ont trouvé moyen d'exalter cette relation d'un ' fait-divers curieux '. »

Dugrand s'y entend en biographies puisqu'il en a consacré une au rocker Eddy Mitchell mais peut-être pas en références historiques car, après avoir rappelé sévèrement le texte que Denoël a consacré en 1941 aux pamphlets de Céline dans le Cahier Jaune, il en fait « sa revue de chantage ».

Mal informé ou en service commandé, il conclut : « Une sérieuse enquête biographique de Robert Denoël établira sous peu, ce que fut l'un des épisodes des années noires de l'édition française. Il est temps. »

L'enquête « sérieuse » dont parle Dugrand est celle de la journaliste Pascale Froment dont l'ouvrage est annoncé depuis 1999 mais dont la publication est reportée d'année en année.

L'intelligentsia parisienne paraît bien informée de son contenu si l'on en juge par ce commentaire d'un responsable de l'IMEC, répertoriant l'ouvrage de Louise Staman : « Signalons que Pascale Froment, qui a travaillé à l'IMEC dans les fonds Paulhan, Porquerol, Céline, etc., prépare une nouvelle biographie, autrement plus fouillée et plus complète, sur Robert Denoël, à paraître chez Fayard. » [Bulletin des Amis de Jean Paulhan, octobre 2005]. Pierre Assouline est plus catégorique encore : « son livre va certainement faire du bruit car elle a vraiment cherché et vraiment trouvé » [sur son blog, 18 mars 2006].

La question n'est pas d'avoir percé le secret bien gardé de cette mort violente mais de l'exposer publiquement. Les commentateurs oublient que le non-lieu définitif prononcé le 28 juillet 1950 par la Chambre des Mises en accusation de la Cour d’Appel de Paris, interdit de mettre en cause qui que ce soit dans cette affaire.

Il faudrait pour cela obtenir la réouverture du dossier criminel en apportant des éléments nouveaux, et seule la cour de Cassation peut ordonner la reprise de l'instruction.

Quant à la biographie commandée à l'origine à la journaliste par les Editions Fayard, il s'avère qu'elle a fait l'objet d'un nouveau contrat avec les Editions Denoël, maison appartenant à 98 % aux Editions Gallimard. Elle devrait donc paraître aux Editions Fayard/Denoël.

 

Novembre

 

Le 5 : « Rendez-vous avec X », émission radio de Patrick Pesnot sur France-Inter au cours de laquelle est évoqué le livre de Louise Staman. Rediffusée le 8 juillet 2006.