Robert Denoël, éditeur

1966

 

Janvier

Le 13 : Décès à Sospel (Alpes Maritimes) de Gustave Bruyneel. Né le 13 juillet 1877 à Lille, 10 rue des Chats Bossus, d'Eugène Bruyneel, cordonnier né à Waregem (Belgique), et de Zélie Lequien, née à Roubaix. Il avait épousé à Lille, le 9 février 1907 Louise Lemue, qui lui donna deux enfants dont Maurice, né le 24 mai 1915.

Ancien libraire à Lille, Gustave Bruyneel avait rencontré les Denoël à Nice en 1935. En 1938 il s'était fixé à Paris, 5 rue Pigalle avec son fils : c'est chez lui que vécut Cécile Denoël entre le 20 août 1944 et le 8 mars 1945, après avoir confié son appartement de la rue de Buenos-Ayres à Paul et Madeleine Vialar.

Après la mort de Denoël il fut, avec Morys, l'un des soutiens indéfectibles de sa veuve. Il ne fut interrogé par la police qu'une seule fois, en octobre 1946, mais suivit tous les procès engagés par Cécile Denoël jusqu'en 1950. A la suite de la parution, le 18 novembre 1949, d'un article d'Abel Manouvriez dans Paroles Françaises, il avait, dans une lettre adressée peu après à Me Armand Rozelaar, fait quelques révélations à propos des parts détenues par Robert Denoël dans sa société d'édition :

«  Picq m’avait dit un jour que Robert Denoël lui avait dit le vendredi avant sa mort qu’il aurait cédé ses parts à Picq et à Barjavel fictivement, afin de pouvoir rentrer chez lui. Donc si fin novembre il disait cela, c’est qu’il n’avait pas vendu ses parts en octobre [...].

Pour " l'aide pécuniaire " de Madame Loviton, Robert m'a dit bien des fois qu'il avait acheté la majorité des parts des Editions Domat-Montchrestien, qu'il a dû prendre comme à son habitude avec un prête-nom ; il disait également, lorsqu'il nous savait seuls que " ça coûte cher une maîtresse, surtout quand elle veut faire des affaires" ».

Gustave Bruyneel qui, en 1947, avait repris son métier de libraire, commandita les Editions du Feu Follet. En 1956 il se retira à Nice où il ouvrit un petit commerce d'abat-jour décorés par sa belle-fille.

Mai

Le 26 : Décès accidentel [d'aucuns parlent de suicide] à Nice d'Edmond Gréville. Journaliste, critique de film, acteur, puis cinéaste, né dans la même ville le 20 juin 1906, d'un pasteur anglais et d'une institutrice française.

Il avait réalisé plus de trente films très personnels entre 1931 et 1963 : « Œuvre fascinante que celle de Gréville, partagée entre la France et l'Angleterre et irrémédiablement étrangère aux principes régissant les cinémas de ces deux pays, aux révolutions esthétiques qui les bouleversèrent [...] Œuvre tellement en marge qu'il mourut sans le sou dans l'indifférence de la profession. Avec certains amis du Nickel Odéon, Bernard Martinand, Yves Martin, nous dûmes même nous cotiser pour éviter que son corps ne soit jeté à la fosse commune, pour lui payer une tombe (qu'est-elle devenue après tant d'années?) dans le cimetière de Cagnes où il avait tourné tant de films », écrivait Bertrand Tavernier en marge du Festival international du film de La Rochelle, en juillet 2008.

En 1930 les jeunes éditeurs Denoël et Steele avaient publié Chantegrenouille, son premier roman apporté rue Amélie par Antonin Artaud et commenté avec sympathie par Edmond Jaloux dans les Nouvelles Littéraires, mais qui restait disponible à un prix inchangé dans le catalogue de l'éditeur, huit ans après sa mise en vente.